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Scævola, à la loi 38 à notre titre, suppose un legs ainsi conçu Fundi Ebutiani reditus uxori meæ, quoad vivat, dari volo. On lui demandait si le tuteur de l'héritier pouvait vendre le fonds, et offrir à la légataire une quantité annuelle, égale à celle que le père de famille, de son vivant, tirait habituellement de la location du fonds. II répond affirmativement.

Et en effet, léguer les revenus d'un fonds et en léguer l'usufruit, n'est pas la même chose. Dans l'usufruit, il est vrai, sont compris les revenus; celui qui a l'usufruit a les revenus; mais la réciproque n'est pas vraie. On peut avoir les revenus d'un fonds, sans en avoir l'usufruit. Ces revenus peuvent être remplacés par le débiteur par une somme d'argent équivalente.

Les legs de cette nature, lorsque leur durée n'est pas indiquée, sont présumés viagers. Supposons un legs ainsi conçu Patrimonii mei reditum omnibus annis uxori meæ dari volo. Le legs ne passe pas à l'héritier de la femme; la raison en est qu'un pareil legs est assimilable entièrement, quant à sa durée, à l'usufruit, ou aux legs in annos singulos. C'était l'opinion d'Ariston, rapportée et confirmée par Ulpien (loi 22 eod. t. ). Aussi, Papinien, dans la loi 25 à notre titre, accuse d'ignorance lourde un testateur, qui, après avoir légué à sa femme l'usufruit de ses biens, s'exprimait ainsi : Post mortem ejus prædia cum reditibus ad heredes suos redire voluit. Il n'y a pas là, ajoute le jurisconsulte, de fideicommis quelconque de propriété ou d'usufruit. Il s'agit des revenus à venir, qui, à l'exemple de l'usufruit, reviennent de plein droit au propriétaire ou à l'héritier après la mort du légataire.

C'est toujours pour le même motif: que le fonds sans les revenus est inutile.

Mais, si les revenus annuels ne se rattachent pas à un fonds bien déterminé qui doit les produire, ou bien quand les revenus qui doivent provenir de telle espèce de biens n'en absorbent pas tous les fruits, de sorte que la propriété ne soit plus inutile, alors le motif n'existe plus; et dans le doute on devrait décider que le legs est perpétuel. C'est l'interprétation de Voët (Comm. du t. II. liv. 33). On se fonde sur les mêmes textes qui nous ont servi à établir la perpétuité de la rente.

Quand il s'agit d'obligations de prestations périodiques, la prescription ne court pas du jour où l'obligation a pris naissance, du jour de la mort du testateur si elle est née d'un legs, mais elle ne se compte qu'à partir du commencement de chaque année où le legs annuel est dû. Pour comprendre ceci il faut se rappeler que en matière de prêt à intérêts, quand le capital est prescrit par 20 ou 40 ans, on ne peut plus demander les intérêts, même ceux des années qui précèdent immédiatement celle où la prescription s'est accomplie. Les intérêts, en effet, ne que l'accessoire d'une obligation principale, qui a pour objet le capital; on leur applique l'adage : « accessorium sequitur principale. » La même règle est appliquée aux fruits, parce qu'ils dépendent de l'existence d'un droit principal: l'usufruit, dont le droit de percevoir les fruits annuels n'est que l'accessoire, (Justinien, loi 26, pr., Code, liv. 4, t. 32, de Usuris).

sont

Les prestations annuelles, au contraire, sont ellesmêmes l'objet principal de l'obligation; elles sont dues

d'année en année, et ne dépendent point de l'existence d'une autre obligation. Aussi ne seront prescrites que les annuités qui n'ont pas été payées après trente ans à compter de l'année où elles sont dues ; quand même l'obligation d'annuités aurait cinquante ans d'existence, sans que jamais aucune annuité n'ait été payée, les annuités des 30 dernières années seront dues; elles ne sont pas prescrites. Telle était du moins la règle à l'époque de Justinien: « In iis etiam promissionibus, vel legatis, vel aliis obligationibus, quæ dationem per singulos annos, vel menses, aut aliquod singulare tempus continent, tempore præscriptionum non ab exordio talis obligationis, seb ab initio cujusque anni, vel mensis, vel alterius singularis temporis computari manifestum est. » (Justinien, loi 7, § 6, Code, liv. 7, t. 39).

Après avoir distingué la créance de prestations périodiques de l'usufruit et du prêt à intérêt, il nous reste à comparer entre elles diverses obligations de prestations périodiques.

Il ne faut pas confondre les obligations de sommes d'argent, (rente perpétuelle et viagère) et les obligations des autres choses fongibles. Parmi ces dernières nous examinerons spécialement la penus legata.

Le mot « penus » désigne les provisions de bouche qui sont dans le cellier. Ces provisions faisaient souvent l'objet d'un legs. Elles comprennent tout ce qui sert à boire et à manger (esui potuique ou esculenta poculentaque), à la famille, aux esclaves, aux bêtes de somme (jumentis). Les jurisconsultes discutaient pour savoir exactement les denrées que devait comprendre la penus (Ulpien et

Paul au Digeste, liv. 33, titre 9). Ce qui nous intéresse ici, c'est la « penus legata in annos singulos. » Elle prend alors le caractère viager et diffère très peu de la rente viagère. Toute la différence consiste dans l'objet de la créance, qui, dans la rente viagère, est une somme d'argent, et dans notre cas une catégorie déterminée de choses fongibles, des provisions de bouche. Il pouvait même arriver que le legs de provisions de bouche fût transformé complètement en une rente viagère. Le testateur avait coutume d'ajouter au legs une clause pénale : « Uxori suæ in annos singulos penoris aliquid heres dare jussus est ; si non dedisset, nummos dare damnatus est. » Cette clause pénale avait pour but de corroborer, ou mieux de sanctionner l'obligation principale imposée à l'héritier, de le contraindre à l'exécuter. Si l'héritier ne remplissait pas son obligation: penum dare, la peine était encourue; la condition de la seconde obligation que lui avait imposée le testateur était arrivée; l'héritier devait de l'argent au lieu des provisions. Cela s'explique par une espèce de novation, qui, appliquée aux legs, prend le nom de translatio legati. Par l'effet de l'arrivée de la condition, le legs de provisions de bouche est changé en un legs de somme d'argent. Si un terme est fixé, la condition du second legs n'est accomplie qu'au terme. Si aucun terme n'avait été fixé, il y avait alors controverse entre les jurisconsultes pour savoir à quel moment la peine était encourue. Pégasus pensait que la peine ne serait due que lorsque la première obligation, qui sert de condition à l'obligation pénale, ne pourrait plus être exécutée. Sabinus au contraire était d'avis que la peine était encourue

Brunet.

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aussitôt que la première obligation avait pu être exécutée et ne l'avait pas été. Il croyait que c'était plus conforme à l'intention des parties (ex sententia contrahentium), dans notre espèce, à celle du testateur, qui vuulait contraindre l'héritier à une prompte exécution.

Et Sabinus prenait précisément comme exemple, pour appuyer son opinion, ce qui était admis en matière de penus legata. Il ne fait pas de différence entre le legs pénal et la stipulation pénale. Or à propos du legs de provisions de bouche. Mucius déclare que si l'héritier ne les a pas données dès qu'il a pu, ce même héritier est tenu aussitôt d'acquitter en argent le legs destiné à remplacer le premier, au cas d'inexécution. Cette solution ajoute Mucius, a été admise pour un motif d'utilité, pour tenir compte de la volonté du défunt, et de la nature même du legs (Loi 115, § 2, de Verb.obl. 45, 1). Paul suppose également un legs de provisions de bouche accompagné d'une cause pénale. Il rapporte l'opinion de ceux qui ne voient qu'un seul legs dans la disposition du testateur : le legs pénal absorbe l'autre, qui ne serait plus qu'une mortis causa capio non soumise à la réduction de la loi Falcidia; cet autre legs ne se serait que in facultate solutionis. « Quant à moi, dit-il, j'ai appris que si l'héritier payait immédiatement les provisions de bouche, il y avait un legs véritable soumis à la loi Falcidia ». Par les mots: in continenti, sur-lechamp le jurisconsulte entend un certain espace de temps aliquo spatio. Mais si l'héritier a été mis en demeure, alors il ne sera plus à temps d'accomplir son obligation. Il n'y aura plus de legs, plus d'application de la Falcidie. Le premier legs, par l'effet de la demeure, est tranfusé dans le legs pénal.

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