Page images
PDF
EPUB
[blocks in formation]
[merged small][ocr errors][merged small]

M. Léonce Angrand, ancien consul général de France, mort à Paris le 11 mars 1886, à l'âge de soixante-dix-huit ans, a légué à la Bibliothèque nationale, par un testament en date du 8 mai 1885, la collection de livres et documents qu'il avait formée sur la topographie et l'histoire de l'Amérique, avec une somme de 60,000 francs, dont les intérêts serviront partie à accroître la collection, qui doit former un fonds distinct portant le nom du donateur, partie à doter un prix quinquennal de 5,000 francs en faveur du meilleur ouvrage sur les langues, l'histoire et les antiquités américaines des temps antérieurs à la découverte de Christophe Colomb.

Un décret en date du 10 janvier 1887 a autorisé la Bibliothèque nationale à accepter le legs de M. Angrand. Toutefois, la liquidation de la succession n'ayant pas permis de disposer immédiatement d'un capital de 60,000 francs, M. le ministre de l'instruction publique a décidé que les fonds réalisés seront placés à la Caisse des dépôts et consignations et tenus en réserve jusqu'au jour où l'accumulation des intérêts aura produit une somme suffisante pour reconstituer un capital qui mette l'administration en mesure de remplir, dans leur intégrité, les intentions du généreux fondateur.

La Bibliothèque nationale n'a pas voulu attendre ce moment, d'ailleurs assez rapproché, pour faire profiter le public du travail et des libéralités de M. Angrand. Elle n'a voulu mettre aucun retard à faire connaître la collection dont elle vient d'entrer en possession. Sur le catalogue qu'on en va lire, on remarquera plus d'un article précieux, dont l'équivalent n'existait pas dans nos anciennes collections.

En tête de ce catalogue nous nous faisons un devoir d'insérer la notice biographique que M. le comte de Charencey a consacrée à son ami et qui a déjà paru dans le Bulletin des bibliothèques et des archives, publié sous les auspices du ministre de l'instruction publique.

<< Depuis l'époque de Humboldt, le nombre des savants qui se sont occupés de l'étude de l'Amérique ancienne a été très restreint. L'Orient, jusqu'à ce jour, semble avoir gardé le privilège de concentrer sur lui les recherches de l'érudition; aussi devons-nous savoir un gré tout particulier à ces hardis pionniers, qui, ouvrant une voie nouvelle, ont entrepris la tâche méritoire d'éclairer le mystère des origines américaines. Parmi eux,

il convient de citer en première ligne le regrettė M. Angrand, enlevé, dans le cours de l'année 1886, à la fois à la science et à l'affection de tous ceux qui l'ont connu.

<< Sans doute, il n'a jamais écrit de gros volumes, et ses publications, en fait d'archéologie du nouveau monde, se réduisent à peu près à sa Lettre à M. Daly sur les antiquités de Tiaguanaco. Ce mémoire, qui ne contient que quelques pages, mérite cependant d'être considéré comme l'une des œuvres les plus importantes qui aient jamais été faites sur l'histoire et l'ethnographie du nouveau continent. On est effrayé de la masse de recherches et de lectures que suppose un travail de ce genre. Une prodigieuse érudition s'y associe à la critique la plus sévère à la fois et la plus judicieuse. M. Angrand y éclaire d'un jour tout nouveau la question, si obscure jusque-là, de l'origine ou plutôt des origines des civilisations américaines.

<< Notre auteur y constate le premier qu'elles se rattachent toutes à deux types bien caractérisés et doivent naissance à un double courant, celui des Toltèques occidentaux ou têtes droites, et celui des Toltèques orientaux ou têtes plates. Du premier découle la civilisation des Mexicains et celle des premiers civilisateurs de la Bolivie; du second dépendent les Mayas du Yucatan, ainsi que les Péruviens proprement dits et les anciens MountBuilders des États-Unis.

« Chacun de ces deux groupes se trouve caractérisé par un ensemble de croyances, de symboles, de procédés artistiques qui lui sont propres, sans compter, bien entendu, l'usage de certaines déformations crâniennes artificielles. Ainsi les occidentaux accorderont dans leur mythologie la prẻ– éminence au principe féminin, tandis que le principe mâle domine dans la mythologie des orientaux; le nombre trois constitue, pour ainsi dire, le nombre politique sacré sur le plateau d'Anahuac, par opposition au nombre quatre qui joue un rôle analogue chez les Mayas et les Péruviens. La doctrine occidentale admettait cinq âges du monde et les Yucatèques en reconnaissaient quatre seulement.

<< Il ressort des données recueillies par M. Angrand que les courants en question avaient cependant eu presque le même berceau : tous deux ont dû partir de la côte nord-ouest de l'Amérique du Nord. Ce phénomène ne serait-il pas bien de nature à justifier l'opinion de ceux qui admettent une origine asiatique pour la civilisation du nouveau monde?

« Né à Paris, en 1808, d'une famille des plus honorables, M. Angrand entra dans la carrière diplomatique en 1830, comme secrétaire particulier de M. Bertin de Vaux, ambassadeur à La Haye. De retour en France, il fut nommé vice-consul d'abord à Cadix, puis à Lima. En 1844, des difficultés graves ayant éclaté entre la France et le Maroc, une expédition fut résolue, et M. Angrand contribua puissamment au succès de nos armes par son zèle, son intelligence et son incroyable activité; on le récompensa,

« PreviousContinue »