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les contribuables des villes et villages autres que les colons, enfin les indigènes musulmans. Elles devaient constituer des assemblées à peu près uniquement consultatives et délibérer séparément. Le gouverneur pouvait toutefois, par arrêté les réunir toutes trois, ou seulement deux d'entre elles, pour l'examen de questions d'intérêt commun.

Le troisième décret réorganisait le conseil supérieur de gouvernement et y introduisait jusqu'à concurrence de plus de moitié de ses membres, des éléments électifs issus des délégations financières et des conseils généraux. Parlant des deux assemblées établies ou réformées, le président du Conseil disait dans son rapport précité:

Les règles traditionnelles qui président aux rapports de l'Algérie avec sa mé tropole ne permettaient pas au gouvernement de donner à ces deux assemblées, notamment en matière budgétaire, d'autres attributions que des attributions purement consultatives. En effet, le budget de l'Algérie a toujours été un budget d'Etat. Nul ne pourrait admettre qu'il cessât de l'être pour tout ce qui concerne les dépenses de souveraineté, c'est-à-dire celles qui ont trait à la direction politique de la colonie, à sa défense sur terre et sur mer et aux autres grands services publics qui assurent le respect du droit national et de l'autorité de la justice.

Mais de bons esprits ont pensé qu'en dehors de ce budget de souveraineté, il pourrait y avoir place en Algérie pour un budget spécial analogue aux budgets coloniaux, s'alimentant au moyen de ressources dont la métropole abandonnerait la disposition à notre France algérienne.

Peut-être pourrait-elle lui conférer aussi une personnalité civile et financière, lui permettant d'avoir un patrimoine et de faire appel au crédit en vue d'exécuter de grands travaux d'intérêt public ».

Le président du Conseil se hâtait bien d'ajouter que la réalisation d'une pareille idée ne pourrait résulter que de décisions législatives, mais c'était déjà un indice très remarquable et une promesse pour l'avenir que ces corps nouveaux eussent été de telles sortes organisés qu'il fût possible par la suite, de leur permettre, sans les modifier, d'exercer les attributions nouvelles dont le pouvoir législatif consentirait à les doter. «Ils offrent, en effet, disait le président du Conseil, par leur composition, assez de garanties de compétence et d'étroite communauté de vues avec les populations algériennes pour que leur autorité morale puisse se transformer, si la métropole y consent, en une autorité effective et légale ». Ainsi l'organe était créé tout prêt à remplir la fonction dont il ne pouvait manquer d'être investi plus tard.

Le quatrième et dernier décret avait pour objet de réformer assez profondément l'organisation des consistoires israélites et de les confiner dans leurs attributions d'ordre religieux et ecclésiastique.

On le voit par ce bref exposé, une œuvre considérable marquait l'entrée en fonctions de M. Laferrière, qui permettait de discerner que les efforts de son administration tendraient à pacifier les esprits en Algérie et à doter la colonie d'une personnalité civile et financière. C'était d'un heureux

augure.

4. L'ANNIVERSAIRE DE CRONSTADT. LE TSAR et le désARMEMENT. Le 26 août,

anniversaire de la proclamation de l'alliance franco-russe, le Président de la République française et l'Empereur de Russie échangèrent les télégrammes suivants :

Télégramme du Président :

A Sa Majesté l'empereur Nicolas II, à Peterhof.

Le Havre, 25 août, 4 h. 47, soir.

La présence à bord du Pothuau, il y a un an, de l'Empereur et de l'Impératrice de Russie, les déclarations qui ont été échangées à l'ombre de nos couleurs en rade de Cronstadt nous sont des souvenirs trop chers pour que je laisse passer cet anniversaire sans assurer à nouveau Votre Majesté de ma bien vive gratitude pour l'accueil qu'elle a fait au Président de la République française.

Nos sentiments n'ont pas varié, et je suis, aujourd'hui comme alors, le fidèle interprète du peuple français en renouvelant à Votre Majesté l'expression des vœux ardents que nous formons pour son bonheur, pour celui de la famille impériale et pour la grandeur de la Russie.

Télégramme du Tsar :

FÉLIX FAURE.

A son Excellence M. Félix Faure, président de la République française,

au Havre.

Peterhof-Alexandria, 26 août 1898, 1 h. 12, soir.

Nous sommes vivement touchés, l'Impératrice et moi, des sentiments que vous avez bien voulu nous exprimer, en votre nom et en celui du peuple français, à l'occasion de l'anniversaire de notre visite à bord du Pothuau. Nous aimons à nous reporter en pensée à ces moments historiques dont le souvenir ne saurait s'effacer, et il m'est particulièrement agréable de pouvoir vous renouveler à cette date, l'expression des vœux chaleureux et invariables que nous ne cessons de former pour vous, Monsieur le Président, et pour la France amie.

NICOLAS.

Deux jours après cet échange de dépêches, le Messager officiel de SaintPétersbourg publiait, par ordre de l'Empereur, une note que le comte Mouraview, ministre des Affaires étrangères, avait remis le 12/24 août aux représentants de toutes les puissances en Russie.

Dans cette note d'une grande élévation de pensée, était posée, non pas, comme on l'a dit à tort, la question du désarmement, mais celle de la limitation des armements. Emu du danger que faisait courir au progrès de la civilisation et à la paix du monde le continuel accroissement des armements, le Tsar proposait à tous les gouvernements la réunion d'une con. férence qui aurait à s'occuper de ce grave problème.

La proposition impériale reçut partout un accueil sympathique et la presse de tous les pays rendit un unanime hommage à l'esprit généreux du souverain qui avait eu la noble ambition de prévenir les maux de la guerre et d'empêcher que tant de forces vives continuassent à être détournées de leur vrai but qui est de concourir au bien être des peuples. Mais, avec quelque scepticisme, une inquiétude perçait, chez nous surtout. În se demandait comment la conférence, si elle voulait assurer la paix de

l'Europe, pourrait éviter de trancher la question d'Alsace-Lorraine et comment, si elle prétendait la résoudre, elle réussirait à mettre d'accord la France et l'Allemagne. On voulait savoir si le gouvernement français avait prévu les moyens d'éviter cette difficulté, si même il avait été préalablement averti des intentions de Nicolas II ou si son initiative l'avait surpris dans l'ignorance. On annonça qu'il serait, dès la rentrée du Parlement, interrogé sur ces divers points ainsi que sur les suites qu'il comptait donner à la circulaire du comte Mouraview.

5. L'AFFAIRE DREYFUS. Mais toutes les questions que nous venons d'énumérer brièvement n'étaient pas capables, si intéressantes qu'elles fussent ou si graves, de retenir longtemps l'attention publique toute entière sollicitée par les péripéties de l'affaire Dreyfus qui continuait à passionner les esprits.

Trop longtemps le pays a souffert des incidents multiples qui a fait naître cette malheureuse affaire. Il est fort pénible d'avoir à les rappeler. Nous le ferons tout au moins le plus brièvement possible.

Le fait saillant dans la période où se place notre récit fut l'interpellation Castelin (7 juillet). C'est alors que M. Cavaignac, ministre de la guerre, essaya de porter à la tribune une démonstration en règle de la culpabilité de Dreyfus.

L'impression produite par ce discours fut énorme. La Chambre vota l'affichage par 545 voix. Et on put croire un instant que l'affaire était terminée.

C'était une illusion qui ne tarda pas à se dissiper.

Comme il fallait s'y attendre, les pièces portées à la tribune par M. Cavaiguac ne firent que donner un aliment nouveau à la discussion.

Avons-nous besoin de rappeler les incidents qui suivirent l'arrestation du commandant Esterhazy, et peu après de celle du commandant Picquart; les retentissants débats du procès Zola ; la comparution du commandant Esterhazy, remis en liberté, devant un conseil d'enquête. Tous ces événements, qui passionnant l'opinion, s'effacent devant l'émotion qui s'empara du pays lorsque l'on apprit l'arrestation du lieutenant-colonel Henry, qui s'était reconnu l'auteur de la principale pièce sur laquelle M. Cavaignac s'était appuyé à la tribune pour fournir la démonstration de la culpabilité de Dreyfus, et peu après son suicide.

Dès lors, les événements se précipitent: la démission du chef d'état-major général, M. de Boisdeffre, la retraite de M. Cavaignac, tout fait prévoir que la révision est proche.

Le 17 septembre le Conseil des ministres, considérant que le faux du colonel Henry constituait le fait nouveau prévu par la loi de 1895 sur la révision, autorise le garde des sceaux à réunir pour la consulter la commission légalement instituée au ministère de la justice. Et quelques. jours après, malgré l'avis défavorable de la commission, en dépit des démissions du général Zurlinden, ministre de la guerre, qui avait remplacé M. Cavaignac, et de M. Tillaye, ministre des travaux publics, le garde des sceaux saisissait la Cour de cassation de la demande de révision.

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6. RENTRÉE DES CHAMBRES. CHUTE DU MINISTÈRE BRISSON. Les Chambres étaient convoquées en session extraordinaire pour le 25 octobre.

Elles n'allaient pas tarder à voir leurs travaux interrompus et leurs débats passionnés à nouveau par l'affaire Dreyfus qui continuait à diviser le pays en deux camps, les révisionnistes et les antirévisionnistes.

Et en effet, c'est dès la première séance que se produisit ce fait, peut-être sans précédent dans les annales parlementaires, de la démission, en pleine Chambre, à la tribune, sans qu'il eût au préalable avisé ses collègues, du général Chanoine, qui avait remplacé au ministère de la guerre le général Zurlinden. On peut juger de l'émotion produite par ce coup de théâtre.

La Chambre était tiraillée entre des sentiments contraires : le désir d'affirmer la suprématie du pouvoir civil, la crainte de paraître attaquer l'armée. Quant au ministère, il avait contre lui des adversaires de toutes sortes les nationalistes qui ne lui pardonnaient pas son revirement dans l'affaire Dreyfus, les socialistes qui lui en voulaient d'avoir fait appel, au cours de la grève des terrassiers à un déploiement de forces militaires comme on n'en avait jamais vu dans aucune grèves même sous les régimes les plus autoritaires et qui avait fait ressembler Paris pendant quelques jours à une ville en état de siège.

Les républicains modérés étaient en outre très mal disposés à la suite du mouvement préfectoral paru récemment au Journal officiel et qui avait fait, au profit du parti radical, des coupes sombres parmi les préfets suspectés de peu d'attachement aux idées avancées, quelle que fùt l'ancienneté de leurs services.

Toutes ces causes réunies expliquent le vote sur l'amendement de Mahy invitant le gouvernement à mettre un terme à la campagne d'injures organisée contre l'armée » qui fut adopté par 296 voix contre 243, malgré l'opposition du président du conseil. Vainement les radicaux essayèrentils de sauver le ministère en proposant une motion qui contenait une expression de confiance. Par 286 voix contre 254 la Chambre refusa de les suivre.

ZÉDIX.

BELGIQUE

SOMMA RE.
- 1. La décadence du parlementarisme en Belgique.
procédure pénale militaire. 3. Lois administratives.
Première crise ministérielle.

torale. treinte.

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2. Révision du code de 4. Lois sociales. 5. Loi élec6. Projet de représentation proportionnelle res 7. Le nouveau cabinet de Smet de Waeyer. La représentation proportionnelle.

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La session de

1. LA DECADENCE DU PARLEMENTARISME EN Belgique. 1898-99 marquera dans l'histoire parlementaire de la Belgique comme la plus longue, la plus bruyante et la plus vide du XIXe siècle. Commencée le 8 novembre 1898 elle n'a été clôturée le 9 novembre 1899 que par l'arrivée de la date fixée par la Constitution pour l'ouverture d'une nouvelle session; pendant toute cette année la Chambre des représentants n'a cessé de siéger, sauf quelques courtes interruptions d'une ou deux semaines, et même à plusieurs reprises elle a prolongé pendant des mois entiers la durée habituelle de ses séances.

Et pourtant l'œuvre législative réalisée durant cette interminable session est loin d'être féconde. Deux titres du nouveau code de procédure pénale militaire; diverses lois relevant les traitements de la magistrature, des employés des greffes, de certains instituteurs primaires ; une loi réorganisant le personnel des services administratifs, des officiers comptables du matériel d'artillerie, des adjoints du génie, du personnel du service de santé et du service vétérinaire; une loi mettant à la charge de l'Etat le casernement de la gendarmerie qui incombait autrefois aux provinces; une loi permettant les associations de communes et de provinces pour l'exploi tation des chemins de fer vicinaux ; une loi concernant la sécurité et la santé des ouvriers employés dans les entreprises industrielles et commerciales; une loi sur la pèche fluviale; une loi sur la police du roulage; quelques dispositions isolées sur des points de détail et quelques projets d'intérêt local voilà toute l'œuvre produite par notre parlement. Ajoutons que toutes ces lois à l'exception des titres du Code de procédure pénale militaire furent à peine discutées et rapidement votées par nos députés. Les interpellations plus nombreuses que jamais, les incidents violents volontairement soulevés et prolongés, la discussion des budgets, les délibérations interminables sur un projet relatif au contrat de travail et dont le vote par la Chambre a été tellement retardé que le Sénat n'a pu encore le discuter, enfin l'obstruction systématique faite par un petit groupe de l'extrême gauche au projet de loi électorale, ont occupé tour à tour les nombreuses et longues séances de la Chambre.

Trop souvent d'ailleurs nos députés nous ont donné le triste spectacle d'une assemblée incohérente, tapageuse et impuissante devant une petite bande d'énergumènes. Dès le début de la session, M. Demblon n'avait-il pas sans rime ni raison, accusé de détournemeut un homme politique éminent de la droite dont le désintéressement privé avait toujours fait l'ad

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