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que les délégations n'auraient pas le courage de désapprouver les dépenses faites de ce chef.

Le chiffre total du budget commun de 1899 s'élève à 167.172.940 florins. Lorsqu'on y ajoute le crédit supplémentaire de 1898, ci 30.100.000 florins, 3.800 000 florins pour le budget de Bosnie, on arrive au total d'environ 201.000.000 de florins. Le rendement des douanes se chiffre par 59.500.000 florins. Les délégations qui terminèrent leurs travaux le 27 mai, décidèrent que les 30 millions dépensés supplémentairement par le ministre de la guerre seraient pris dans les excédents de recettes des budgets précédents (Kassenüberschüsse) et que le reste serait couvert par le mode prévu par la Constitution. Pour la quote-part, les députations n'ayant pu se mettre d'accord, l'Empereur décida en vertu de son pouvoir discrétionnaire. Le rapport resta le même qu'en 1887, c'est-à-dire 68.6 31.4. Les cinq séan. ces pour lesquelles se rouvrirent, en juin, les portes du Parlement ont suffi pour enlever au gouvernement toute illusion sur la possibilité de décider cette assemblée à un travail sérieux.

Jamais on n'avait entendu dans cette enceinte des discours aussi fulminants, aussi révolutionnaires et anti-patriotiques que ceux que prononça alors le leader, tristement fameux, des nationalistes allemands, Wolff. Le 13 juin parut à l'Officiel, la nouvelle de l'ajournement du Reichsrath qui ne devait plus se réunir avant l'automne. Ainsi le budget, le compromis austro-hongrois, les réformes projetées, tout resta en suspens. Les grands partis politiques et nationaux saisirent cette occasion pour publier des manifestes. Celui de la droite, rédigé par le président du club polonais, le chevalier Jaworski, insiste sur la bonne volonté de tous les partis de la droite de porter remède à l'intolérable situation parlementaire, et, si ses efforts n'ont pas mieux réussi, c'est la minorité allemande qu'il convient d'en rendre responsable, puisque c'est elle qui empêche par son opposition irréductible tout travail législatif. A la fin, la droite assure le gouvernement de ses bonnes dispositions pour l'avenir à moins qu'on ne lui demande d'abdiquer jusqu'aux principes vitaux de son existence.

Les partis de la Gauche, ne pouvant s'accorder sur la teneur d'un seul manifeste, en lancèrent cinq dans lesquels ils protestent plus ou moins violemment contre les ordonnances Badeni-Gautsch.

Pendant les vacances parlementaires le gouvernement ne se lassait pas de poursuivre les négociations avec les chefs des partis tchèque et Allemands. Pour arriver plus sûrement enfin à la solution tant désirée de la question des langues, le comte Thun fit élaborer un projet de loi (Stummer) qui devait servir de base aux prochaines conférences. Ce projet qui établissait en Bohême cinq zones, et s'étendait aussi à la Moravie, déplut aux Allemands de Moravie et eut par conséquent le sort de tous les essais précédents. Les Allemands de Bohême, d'abord hésitants, finirent à la suite de la pression de leurs conationaux moraves par refuser de prendre part aux conférences préliminaires. Le comte Thun, très fàché de ce nouvel échec, déclara, pour avoir plus de liberté d'action, la dernière session du Reichsrath close, et entama des pourparlers avec le comte Banffy en

vue d'une prorogation du compromis austro-hongrois pour un an à l'aide de l'article 14 de la Constitution.

Ce procédé rencontra de vives résistances auprès des Hongrois qui menaçaient d'établir un tarif douanier indépendant au cas où le projet de compromis ne pourrait pas être réglé parlementairement en Autriche comme en Hongrie.

Les tiraillements qu'il y a eu, à ce sujet, entre les deux gouvernements donnaient aux Allemands-Autrichiens l'espoir d'une prochaine crise ministérielle qui amènerait peut-être un changement de système politique. Ils durent patienter encore un peu avant d'en arriver là.

L'Empereur qui tenait à ce que le compromis provisoire fùt mis à l'abri de discussions stériles, convoqua à Ischl, où il se trouvait en villégiature un grand conseil de la couronne, composé de ministres communs et de présidents des deux cabinets avec leurs ministres des finances. Les conférences eurent lieu sous la présidence de l'Empereur, d'abord à Ischl (du 14 août au 16 août) et après à Budapest (du 24 août au 30 août).

L'objet le plus délicat de ces conférences fut le mode de prolongation du compromis. Après nombre d'échanges de vue, l'accord fut enfin obtenu sous ce rapport. Il fut décidé qu'en Hongrie la prorogation du pacte serait réglée parlementairement et qu'en Autriche elle pourrait être décrétée en vertu de l'art. 14, mais que le gouvernement autrichien tenterait auparavant encore de faire régler l'affaire aussi par le Parlement.

L'ordre chronologique exige de mentionner ici la loi sur l'augmentation des appointements des fonctionnaires et des professeurs d'Etat qui, sanctionnée vers la fin septembre, entra en vigueur le 1er octobre 1898. La première séance de la Chambre des députés, convoquée le 26 septembre, fut consacrée à l'élection de la présidence (MM. Fuchs, Ferjancic et Lupul furent réélus) et à l'hommage commémoratif à Sa Majesté, l'Impétrice Elisabeth, morte tragiquement à Genève.

Les débats furent donc rouverts seulement le 29 septembre et cela dans des conditions un peu modifiées depuis la dernière session. L'opposition allemande s'étant aperçue qu'au lieu d'être désagréable au gouvernement en le poussant par l'implacable obstruction à avoir recours à l'art. 14 pour le règlement du compromis provisoire, elle lui rendrait plutôt un service, se résolut à admettre la première lecture des projets gouvernementaux et à n'intervenir que de temps en temps pour tâcher d'écarter le vote des projets qui lui déplaisaient. C'était, à proprement parler, la substitution à l'obtruction à outrance de l'opposition réelle, ce qui n'était pas de mauvaise politique dans l'occasion.

Leur calcul était sans doute celui-ci les Tchèques ayant intérêt à appuyer le gouvernement pour ne pas être dépouillés des concessions linguistiques si difficilement acquises, défendront assez ardemment les projets de compromis austro-hongrois pour que l'arrangement final de ce pacte pùt être mis un instant en question. Ce fait nous permettra d'éviter la responsabilité d'un nouvel échec du gouvernement et de nous donner en même temps pour les vrais et seuls défenseurs des intérêts des contribuables cisleithans. C'est à ce moment que se place le dernier effort que le

comte Thun tenta pour attirer dans la majorité des droites un groupe allemand, celui de la grande propriété rurale. L'avortement de cet effort ne put que le pousser davantage vers la Droite, ce qui eut pour première conséquence la démission du docteur Bärenreither, représentent dans le cabinet Thun des grands propriétaires allemands, et l'appel au ministère du commerce du baron Dipauli, député du Tyrol, un catholique conservateur (le 7 octobre 1898).

La première lecture des projets relatifs au pacte austro-hongrois ne souleva presque pas d'incident. Les discours les plus remarquables prononcés à cette occasion furent celui du ministre des finances, le Dr Kaizl, dont la situation était des plus délicates vu que naguère il faisait encore partie de l'opposition, et celui du chevalier Jaworski qui assura le gouvernement de l'appui de la Droite. Tous les projets, au nombre de vingt et un, furent envoyés à la Commission. Ce fut un tout petit pas en avant, mais on n'en fit pas davantage. Les négociations des députations régnicolaires n'abou tirent à aucun résultat positif et l'Empereur fut appelé une fois de plus à trancher le différend, bien entendu pour l'exercice d'un an seulement. Les députés cisleithans demandaient que la quote-part fût portée pour la Hongrie de 30 p. 100 à 38 p. 100. tandis que les Hongrois, profitant du désaccord où se trouvaient les peuples cisleithans n'entendaient pas aller au-delà de 31.997 p. 100. Au Parlement, on ne fait que perdre du temps par des discours sans intérêt et des demandes de mise en accusation du ministère Thun pour l'emploi abusif de l'art. 14. Les agressions brutales et outrageantes des nationaux allemands contre les Polonais eurent pour suite, un duel entre Wolff et Iniewosz. Les travaux de la commission nommée pour l'examen des projets de compromis provisoire avançaient sur ces entrefaites avec une lenteur désespérante, Le gouvernement repoussait d'ailleurs toutes les modifications présentées, sous prétexte qu'elles ne seraient pas acceptées à Budapest. Du train dont marchaient les choses au Parlement comme dans la commission il n'y avait point d'espoir que les projets de compromis et de budget de 1899 eussent pu être discutés et votés en temps utile dans le Parlement. C'est ce qui détermina le comte Thun à ajourner le Reichsrath, qui n'avait voté depuis septembre jusqu'au 20 décembre que la loi sur la régularisation du Danube et celle sur les chemins de fer locaux, et à régler toutes ces nécessités d'Etat à l'aide de l'art. 44. Les dépenses du budget ordinaire de 1899 s'élèvent à 760.286.793 florins. Elles se soldent par un excédent de recettes de 300.000 florins. La tendance ascendante des budgets autrichiens fait des progrès effrayants. Dans le cours des six dernières années les dépenses ne se sont pas accrues de moins de 30 p. 100. Le budget Kaizl (1899) présente sous ce rapport un écart de 73 millions et demi de florins sur le budget Bilinski (1898). Les Diètes régionales furent convoquées après la Noël pour une très courte session seulement aux fins d'expédier le budget. La Diète de Bohême s'acquitta de cette tâche en deux séances, encore sans participation des députés allemands. Dans les Diètes du Littoral, des députés slovènes croates furent molestés par les Italiens de sorte qu'ils s'abstinrent de paraître aux débats de ces assemblées. Le gouvernement laissa faire ne se sentant pas assez

d'énergie pour entreprendre quoi que ce soit pour protéger les Slaves opprimés.

Ce fut sans doute plutôt par simple acquit de conscience que pour avoir gardé quelque faible lueur d'espoir de mettre en branle la machine parlementaire arrêtée, que le comte Thun s'avisa de rouvrir les portes du Reichsrath en janvier 1899. Ce dernier essai l'obligea de se rendre à l'évidence que ce corps législatif était, dans les circonstances données, incapable de tout travail sérieux et utile.

Prorogé le 1er février, le Reichsrath ne fut plus convoqué sous le ministére Thun. L'Autriche retournait pour la durée de huit mois au régime absolu où pour toutes les affaires restées en suspens, le vote parlementaire fut remplacé simplement par des ordonnances rendues en vertu de l'art. 14. Peu après la prorogation du Reichsrath, les hongrois ne voulant pas être en reste de turbulence et d'intransigeance sur les Allemands-Autrichiens, se hâtèrent de renverser le cabinet Banffy (le 18 février) et le nouveau premier hongrois, M. Koloman de Szell, désireux de se rendre populaire auprès de ses compatriotes, n'hésita pas à dicter au gouvernement autrichien des conditions d'arrangement essentiellement différentes de celles convenues entre son prédécesseur et le comte Thun. Ce procédé peu chevaleresque donna lieu à un conflit très sérieux entre les deux gouvernements, menaçant même pendant un certain temps de finir par la chute du cabinet Thun. Aussi les Allemands de Bohème, fort heureux des embarras du gouvernement cisleithan, se sont-ils empressés de résumer leurs désiderata linguistiques dans un programme, appelé généralement programme de la Pentecôte.

Voici les points les plus saillants de ce programme L'allemand doit être reconnu comme langue officielle de toutes les autorités et administrations supérieures de la Bohême. Les requêtes rédigées en allemand doivent être partout reçues et expédiées en allemand. Dans les territoires nord et nord-ouest de la Bohême, déclarés allemands en dépit de fortes minorités tchèques qui y sont enclavées, tous les fonctionnaires d'État doivent être Allemands; la langue tchèque doit être complètement bannie de ces dis tricts. En Moravie, l'allemand doit être partout et dans toutes les adminis trations la langue interne des services; le tchèque doit y être admis seulement dans les rapports extérieurs des autorités avec les partis. En Silésie enfin, la langue allemande doit être partout la seule langue administrative. Mais au moment décisif où les Hongrois croyaient qu'ils n'avaient qu'à dicter et le gouvernement cisleithan qu'à accepter leurs conditions, le comte Thun reprit toute son énergie. Indigné du procédé arbitraire du premier ministre hongrois il rompit brusquement les négociations avec lui et déclara qu'il donnerait plutôt sa démission que de souscrire aux conditions inacceptables de M. de Szell dont la formule stipulait la prolongation du privilège de la Banque au-delà du terme où expiraient les traités douaniers et de commerce avec la Hongrie. L'énergie du gouvernement autrichien ne manqua pas de produire un excellent effet dans les deux parties de la Monarchie. M. de Szell voyant qu'une rigide inflexibilité de sa part pourrait tout gåter et mettre en danger les avantages que la convention garantissait à la Hongrie, ne se laissa pas tirer l'oreille pour ouvrir des négociations avec

les radicaux hongrois défenseurs de la théorie séparatiste. Au bout de plusieurs semaines passées en pourparlers on arriva enfin à s'entendre sur les principes suivants :

L'union douanière entre les pays représentés au Reichsrath et les pays de la couronne de Hongrie est prorogée en vertu du droit autonome des deux parties de la Monarchie jusqu'en 1907. Le privilège de la Banque austrohongroise est prorogé jusqu'en 1910. Si toutefois l'union douanière expirait en 1907, le privilège de la Banque s'éteindrait à la même date. Les deux gouvernements travailleront, à l'élaboration d'un tarif douanier autonome et se remettront en 1901, au plus tard, en négociations pour conclure une convention douanière et commerciale qui devra être ratifiée par les deux Parlements. Ainsi sera trouvée la base nécessaire pour le renouvellement en temps utile des traités de commerce internationaux. Si la convention douanière et commerciale n'était pas conclue avant la fin de 1903, il est à la connaissance du gouvernement autrichien que le gouvernement hongrois ne serait pas disposé à conclure avec les puissances étrangères des traités de commerce valables au délà de 1907. Au cas où la convention douanière et commerciale serait conclue avant la fin de 1903, l'union douanière de 1903 sera également prolongée telle quelle d'un délai à fixer de commun accord et pouvant aller jusqu'au delà de 1907.

En même temps fut assuré l'arrangement final du nouveau système monétaire des couronnes. Il est vrai que les pièces d'or ne seront pas mises en circu ̄ lation dès le 1er janvier 1900, cette opération nécessitera quelque temps encore, mais à partir de cette date tous les comptes seront obligatoirement faits sur la base du nouveau système. En même temps seront peu à peu retirés les billets d'Etat et les dernières obligations de salines (pour 50.000.000 florins). La session des Diètes (en mai) fut très courte. Les Allemands de Bohème se posant en victimes s'abstinrent encore de siéger. Les débats ne présentèrent pas, en général, un bien grand intérêt.Pour couvrir les dépenses du budget de 1899, s'élevant à 22.386.041 florins, les centimes addi tionnels furent portés à 55 p. 100 et le déficit de 3.000.000 de florins fut couvert par un emprunt. La déplorable faiblesse que le gouvernement montra à l'égard des agitations révolutionnaires de quelques factieux pangermanistes autrichiens n'a fait qu'encourager ces derniers dans leur œuvre subversive. Croyant le terrain suffisamment préparé, ils jetèrent le masque et coururent droit au but. Personne n'ignore que la fusion politique des Allemands-autrichiens avec ceux de l'Empire allemand est le plus haut idéal de ces irrendentistes.

Pour amener plus rapidement l'exécution de ce projet ils ne reculèrent pas devant la création d'un mouvement protestant sui generis. Qui ne sait aujourd'hui que la fameuse devise lancée depuis « Rompons avec Rome » a un tour purement politique dont le sens exact est «< Rompons avec l'Autriche ?

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"

L'agitation jetée par les ennemis du gouvernement dans les masses du peuple s'accentua notablement quand fut connu l'accord relatif aux impôts de consommation qui frappe surtout le sucre (la majoration est de 6 florins par 100 kilog.).

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