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industriel et de l'enseignement commercial, la direction du travail et de l'industrie, détachés du Ministère du Commerce, l'Administration des mines, détachée du Ministère des Travaux publics, les Sociétés de secours mutuels enlevées au Ministère de l'Intérieur. Contre cette création, il n'y a que deux objections qui s'annulent réciproquement: l'une est que le nouveau ministère ne fera rien, l'autre qu'il fera trop. Ce n'est d'ailleurs pas une raison, pour la repousser, que les socialistes en aient les premiers saisi la Chambre.

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ET. LAMY. La France du Levant. III. Le voyage de l'Empereur Guillaume II. Ses résultats (liv, du janv. 1899, p. 315-348). L'empereur Guillaume II a ouvertement annoncé sa volonté de protéger seul, hors de ses frontières, les œuvres catholiques de l'Allemagne. Pour y parvenir, il lui fallait tenir en échec la volonté récente et publique du pape sans se révolter ouvertement contre elle, et contredire nos droits par un acte contre lequel la France demeurât désarmée. Il y a réussi en acquérant du Sultan une terre chrétienne, en la donnant aux catholiques allemands, en avisant de ce fait le Pape tenu à des remerciements. Donc il a acquis le protectorat des missions allemandes. C'est très peu en réalité, et il a cherché d'autres et plus nombreux protégés. Agissant officiellement en prince luthérien, il sollicitait les protestants, encore très faibles en Orient. Faisant parade de la force allemande, il a voulu rallier les catholiques. Il a désiré et averti les Juifs. Enfin il a flatté publiquement le fanatisme musulman. Or, il a échoué auprès de tous. Les protestants ont été très froids; les sectes sont chez eux trop nombreuses et diverses. Les catholiques sont demeurés dans la réserve. Les Juifs plus empressés craignent déjà la concurrence allemande. Les musulmans gardent l'incurable défiance contre ce pélerin chrétien.

Guillaume a échoué sur deux obstacles. L'un tient à sa nature, au fond intéressée et avide; les différents cultes ont pu comparer avec le désintéressement traditionnel de la France. Et puisqu'il s'agissait d'intérêts, chacun a vu que l'Empereur était menaçant. Pour jouer son rôle, il lui a fallu l'appui, la permission du Sultan, et il les a achetés par une regrettable indulgence à l'égard des horribles massacres que l'on sait et que nul en Orient ne pouvait oublier. L'autre obstacle tient à la nation allemande : elle est trop divisée au point de vue religieux, et surtout il lui manque le don merveilleux de la France, l'apostolat. F. MOREAU.

PÉRIODIQUES BELGES

Revue de Belgique. Mensuelle. (Bruxelles, Weissenbruch; Paris, Arm. Colin), 15 février, 15 mars, 15 avril et 15 mai 1909.

CTE GOBLET D'ALVIELLA: I. Les débuts du mouvement proportionnaliste en Belgique. II. La Représentation proportionnelle à la Constituante. - III. Le suffrage universel sous le régime majoritaire. - IV. Le R. P. et le Ministère Vandenpeereboom.

L'application intégrale de la représentation proportionnelle aux élections législatives en Belgique, le 27 mai 1900, constitue un événement politique dont l'intérêt dépasse les frontières de ce petit pays. C'est là une great attraction d'ordre juridique qui mérite d'occuper tous ceux qui suivent l'évolution du droit public.

M. Goblet d'Alviella, professeur à l'Université de Bruxelles, dont nous avons déjà signalé les polémiques en faveur de la représentation des minorités (1) consacre à l'histoire du mouvement proportionnaliste une série d'articles que nous allons résumer.

I.- La cause déterminante du triomphe de la R.P. (représentation proportionnelle) est, d'après le comte Goblet, « l'introduction d'un troisième parti dans un organisme représentatif créé pour deux. Mais l'auteur recherche d'abord les origi nes du mouvement, à l'époque où catholiques et libéraux pesaient seuls dans la balance électorale.

L'idée de Stuart Mill gagne droit de cité en Belgique dès 1863, dans les cercles d'études et les conférences, grâce à quelques articles de Revues. Elle fait son apparition à la Chambre, en 1865, pour ne susciter, bien entendu, que réprobation et quolibets. Les faits parlèrent trop haut, pourtant, pour permettre de négliger un système auquel il fallait reconnaître, tout au moins, le mérite d'empêcher la minorité des électeurs d'avoir la majorité au Parlement, ce qui eut lieu en 1870 les catholiques réunirent 35.501 suffrages et firent passer 72 de leurs candidats à la Chambre, tandis que les libéraux avaient 52 représentants pour 42.058 suffrages. La même iniquité s'est reproduite depuis, aux dépens de tous les partis politiques.

Nous ne pouvons suivre pas à pas M. Goblet d'Alviella, malgré l'intérêt qu'il y a toujours à voir une idée, partie d'une infime minorité, progresser peu à peu et s'étendre aux masses.

La réforme électorale de 1878, en assurant le secret des urnes, introduisit un système matériel de votation compatible avec la R. P., système auquel nos électeurs sont donc habitués depuis plus de vingt ans les bulletins sont distribués, tout imprimés; les partis politiques sont reconnus par la loi; le vote, soit en tête d'une colonne, soit à côté de certains noms, permet aussi bien le suffrage pour une liste que le vote individuel ou de préférence. Bientôt les faits stimulèrent l'activité des proportionnalistes. Ne fallait-il pas craindre de voir le pays scindé en deux camps politiques, correspondant aux distinctions toujours tranchées des langues et des races, les Flamands n'ayant que des représentants catholiques et les Wallons n'en ayant que de libéraux ?

Aux élections de 1880, succéda la fondation de « l'Association réformiste belge pour l'adoption de la R. P. », dans laquelle figuraient les noms de M. d'Hondt, le promoteur du système de votation accepté depuis lors, et de beaucoup de notabilités politiques, sans acception de parti. « L'Association » publie un bulletin, véritable journal officiel des proportionnalistes en Belgique.

Depuis lors, la question ne cesse, pour ainsi dire, pas d'être à l'ordre du jour, chez nous comme en Suisse. Elle fit l'objet d'une conférence internationale à Anvers, en 1885. On y affirma le principe de la R. P. et la supériorité relative du système d'Hondt « de la concurrence des listes avec chiffre répartiteur », ou système du commun diviseur. Un projet de loi fut déposé en ce sens au Parlement belge, en 1887 : il y traversa lentement et péniblement les phases de la procédure législative. Chose curieuse en 1890, un essai à tenter d'abord dans le domaine provincial semblait réunir le plus d'adhésions; or, c'est précisément là que la R. P. sera appliquée en dernier lieu, chez nous, puisqu'elle l'est partiellement à la commune, depuis quelques années déjà, et qu'elle va l'être maintenant, d'une manière complète, aux deux Chambres, tandis que le système majoritaire « sévira» encore à la province !

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Au moment de la révision constitutionnelle, en 1892, il était dans les

(1) Voir Revue du droit public, t. X (1898), p. 173.

intentions du chef de cabinet catholique, M. Beernaert, que la représentation des minorités accompagnât l'extension du droit de suffrage, objet primordial de cette révision. D'après le premier ministre, c'en devait être l'un des correctifs, au point de vue conservateur. Mais aucun système déterminé n'était présenté par le gouvernement ; celui-ci parvint avec peine à faire admettre seulement la pos sibilité de la R. P. dans la constitution revisée, lors des votes préalables et, plus tard, lors de l'adoption des textes nouveaux (7 septembre 1893).

Depuis lors et surtout après l'essai simulé à Bruxelles par « l'Association réformiste», en novembre 1893, le duel s'engagea entre MM. Beernaert et Waste, pour et contre la R. P. Le chef du cabinet présenta un projet, le 6 mars 1895, grâce auquel les minorités devaient être représentées au Sénat et à la Chambre, à la seule exception des arrondissements élisant un seul député. L'auteur s'inspirait du système d'Hondt : il fixait un quorum variable, selon le nombre des représentants à nommer, réservait à l'électeur la faculté d'intervertir l'ordre de présentation des candidats et ajoutait aux différentes listes quelques membres suppléants, pour éviter les élections partielles.

Ce projet fut attaqué de plus belle par M. Woeste, que soutenaient à ce moment tous les représentants effrayés par l'imminence du danger de perdre leur siège. « Il est si facile, dit M. Goblet d'Alviella, de persuader aux hommes politiques que l'intérêt de leur pays se confond avec celui de leur parti, et l'intérêt de leur parti avec celui de leur personne ! » L'opposition ne fut pas moins vive de la part de M. Frère-Orban, que préoccupait surtout la difficulté de former un cabinet quelconque, sous le régime de la R. P., et de gouverner un pays sans une majo rité stable dans les Chambres. Le projet Beernaert échoua complètement dans les sections et le ministère n'affronta pas un débat public. Une crise politique s'ensuivit, le 20 mars 1894. Se conformant aux préceptes de la tragédie classique, M. Wœste avait « étranglé son adversaire dans les coulisses ».

Avec M. Beernaert, disparaît le projet de R. P., malgré les sympathies des membres du cabinet qui ne le suivirent pas dans sa retraite et de ceux qui vinrent prendre la place des deux ministres démissionnaires; malgré les efforts de quelques parlementaires dévoués; et, enfin, malgré les discussions sérieuses de la question, qui occupèrent encore six séances de la Chambre, au mois de mai 1894. Le législateur se décida à conserver le système majoritaire ancien, pour les élections générales d'octobre 1894, où pour la première fois, tous les électeurs nouveaux exercèrent leurs droits politiques. Au Sénat, une tentative partielle de R. P., restreinte au seul cas de ballottage mesure transactionnelle qui triompha peu après dans le domaine communal fut écartée, comme le principe luimême venait de l'être, à la Chambre.

III.

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Le cadre élargi du suffrage devait donner une ampleur nouvelle aux griefs contre le système majoritaire opérant sur de plus grands chiffres, les injustices apparaissent plus flagrantes. Les élections générales d'octobre 1894 marquent l'entrée en scène d'un corps électoral plus que décuplé et d'une forte opposition socialiste au Parlement. Le vote plural, en augmentant la force électorale des citoyens présumés plus aptes à gérer les affaires publiques, s'il atténue les effets du suffrage universel, ne fait qu'aggraver ceux de l'exclusion des minorités.

Le premier scrutin n'assura une majorité parlementaire à aucun des trois partis en présence; les ballottages, favorables presque partout aux catholiques — grâce à l'appoint tantôt des libéraux, tantôt des socialistes donnèrent à ce parti 104 sièges sur 152 à la Chambre, tandis que son chiffre électoral ne lui en eût attribué que 80. Les libéraux furent, plus que jamais, les victimes du jour, un deu moins au Sénat qu'à la Chambre, il est vrai; mais, pour la haute assemblée:

ils curent à pâtir des choix majoritaires des Conseils provinciaux, appelés par la constitution revisée à élire 21 sénateurs sur 76. On avait rejeté la R. P. même pour ces élections au second degré. Les libéraux qui avait fait échouer cette réforme, tout atténuée qu'elle fût, espérant emporter tous les sièges « provin. ciaux », furent, une fois encore, les principales victimes de leur obstination. Ce fut dans le domaine communal, où l'unité des collèges électoraux donne au système majoritaire son maximum d'intensité, que la première application de la R. P. fut tentée, en Belgique. On osa troubler la quiétude des conseils catholiques homogènes, de règle dans le pays flamand, bien que les intérêts administratifs gérés par ces assemblées, pour lesquels l'unité dans l'action est si nécessaire, constituassent un des arguments favoris contre la réforme. Des hommes éclairés du parti clerical furent les premiers à reconnaître le mérite d'une opposition dans ces conseils.... de famille.

Le gouvernement ne proposa l'application de la R. P. aux élections communales qu'en cas de ballottage; alors seulement, les minorités devaient obtenir une part des mandats. C'était une concession évidente aux petits conseils homogènes des Flandres, sur lesquels le cléricalisme peut absolument compter. Pour participer à la R. P., les listes en ballottage doivent atteindre un quorum variant selon le nombre les sièges à conférer. Une proposition d'option locale, analogue à ce qui existe dans les cantons de Fribourg et de Neuchâtel, permettant à toute commune de plus de 20.000 habitants d'appliquer la R. P. dès le premier tour de scrutin, fut repoussée par les Chambres.

Les élections communales d'octobre 1895 eurent lieu selon le sytème nouveau ; leur résultat dépassa les prévisions optimistes des proportionnalistes, d'abord à cause du nombre des grands centres et même des moindres communes où la R. P. fut appliquée, puis à cause de la simplicité et de la correction des opérations électorales, dont on avait fait à dessein un véritable épouvantail. Nos conseils communaux sont, dans bien des localités, composés de trois minorités ; par suite, observe M.Goblet d'Alviella, le collège des bourgmestres et échevins a dû être, ou bien recruté parmi différents groupes, ou bien choisi dans l'une des minorités; mais nous ne voyons pas qu'aucun de ces deux expédients ait amenė, en général, la complication prédite par les adversaires de la R, P. » C'est toujours la même erreur qui fausse l'esprit de certains politiciens, ajouterons-nous : prenant pour un but ce qui n'est qu'un moyen, ils croient disqualifier un régime, en dénonçant sa complexité; celle-ci n'est pourtant que le reflet exact et partant nécessaire d'une situation sociale donnée.

Après cet essai de R. P., le régime majoritaire aux élections législatives de 1896 apparut plus inique que jamais. Inutile de transcrire encore une fois les chiffres, consciencieusement rapportés par le comte Goblet; la majorité catholique avait, dans le pays entier, perdu des voix et gagné des sièges! « Le véritable vaincu de la journée, dit un journal jusque-là hostile à la R. P., le véritable vaincu, c'est le régime majoritaire ».

Une accalmie se produisit pourtant ; d'autres questions préoccupèrent l'opinion. Beaucoup de promoteurs du mouvement proportionnaliste étaient morts.Ses adversaires croyaient triompher. Mais, en 1898, un vigoureux effort des hommes politiques favorables à la R. P., allait aboutir à la fondation d'une «Ligue nationale » ; sa jeune activité contrasta avec la torpeur invétérée de l'ancienne «Association >> dont le « Bulletin » ne paraissait même plus. Les élections générales vinrent à point pour attirer à nouveau l'attention sur les vices du système majoritaire et enlever à ses partisans un de leurs griefs : la nécessité d'une composition homogène de la Chambre et du Sénat. En effet, par le jeu des coalitions disparates pour les ballottages, les mêmes collèges électoraux nommaient, dans bien des arron

dissements, des représentants d'une opinion et des sénateurs d'une autre. Plus que jamais, le régime soi-disant majoritaire assurait le triomphe des minorités sur la majorité! Un phénomène identique se reproduisit aux élections provin ciales de la même année.

Ces faits, autant que la personnalité et le nombre des fondateurs de la Ligue nationale », assurèrent à celle-ci une autorité qu'accrut l'échec de la création d'une ligue opposée, et que la propagande pour le suffrage universel puret simple (c'est-à-dire la revision de la disposition constitutionnelle établissant le vote plural) ne venait nullement contrarier. Un projet fut délibéré par la « Ligue » et présenté aux Chambres. Allait-il encore s'éterniser comme les précédents, dans les commissions? Les événements, qui furent de nouveau les véritables législateurs, devaient en décider autrement, en 1899.

IV. Une entente entre libéraux et socialistes semblait redoutable aux catholiques, divisés eux-mêmes en partisans de l'uninominal, de la R. P. et du statu quo. M. Vandenpeereboom, devenu chef du cabinet, inclinait vers la première de ces trois solutions; il élabora, en janvier 1899, un projet en ce sens. Ce fut le signal de la retraite de deux ministres franchement proportionnalistes, MM. de Smet de Naeyer et Nyssens. Mais grande fut la surprise lorsque, pour leur succéder, le roi ne trouva que deux autres partisans de la R. P. Redoutant une interprétation de cette crise étrange que l'on cherchait à expliquer par quelque entente cachée entre la droite et certains membres de la gauche, celle-ci lança au pays un appel, hostile au scrutin uninominal et favorable au suffrage universel. Un nouveau mouvement d'opinion en faveur de la R. P. se produisit en Belgique M. Woeste se sentait battu avant même que le cabinet eût formulé ses propositions, sur lesquelles on avait vainement attendu les déclarations du premier ministre.

Pour cimenter l'alliance défensive et offensive de la gauche socialiste parlementaire avec le libéralisme, on voit, dans la session de 1899, les leaders du parti ouvrier reprendre dans leurs discours les principaux thèmes de l'ancienne opposition laïcité de l'enseignement, liberté de conscience, résistance au cléricalisme sous toutes ses formes, etc. Ainsi préparée, la bourgeoisie des grandes villes ne devait plus refuser, à la première occasion, de marcher avec les partisans « du drapeau rouge ». Le ministère lui-même devait lui en fournir un motif suffisant par son projet de réforme électorale du 19 avril ; il brouillait tout en voulant tout concilier.

« Aux proportionnalistes, on offrait d'introduire la R. P. dans tous les arrondissements élisant au moins six représentants et trois sénateurs, c'est-à-dire : Bruxelles, Gand, Anvers, Liège, Louvain, Charleroi et Mons, arrondissements dont tous les sièges appartenaient à l'opposition ou semblaient destinés à lui revenir, en cas de coalition entre les partis anti-cléricaux.

« Aux partisans du statu quo on accordait la satisfaction de maintenir l'ancien régime dans le reste du pays, soit dans trente-cinq petits arrondissements où la R. P. eût surtout avantagé l'opposition.

<< Uninominalistes et bi-nominalistes recevaient également leur part, grâce à la conservation des districts comptant un et deux sièges ».

En fixant à un sixième du total des votes le quorum que devait atteindre toute liste pour arriver à la répartition des sièges, le projet écartait les démocrates chrétiens dans les arrondissements flamands, comme il écartait le parti radical dans les villes et le parti libéral lui-même dans bien des centres importants. Immédiatement le pays vit clair; l'opinion publique flétrit ce projet comme une œuvre de parti destinée à maintenir l'hégémonie des catholiques, par quatre moyens combinés avec habileté : représentation des minorités là où une majo

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