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la proportion des instituteurs de 5o classe, élève de 20 à 25 p. 100 celle de la 3 classe et de 10 à 15 p. 100 celle de la 2e classe. Malgré la charge qu'elle impose au budget, on n'a pas eu de peine à justifier cette amélioration dans le sort des instituteurs. Le traitement des instituteurs stagiaires est de 900 fr. ; ils gardaient cette situation souvent pendant dix ans et même davantage, et ne recevaient ensuite qu'une augmentation de 100 fr. ; on restait environ 13 ans dans la 5° classe, pour recevoir ensuite une augmentation de 200 fr., 13 ans dans la 4e classe pour recevoir ensuite une augmentation de 300 fr. Il fallait donc aux instituteurs, lorsqu'ils suivaient la marche normale, plus de 35 ans de services pour arriver à un traitement de 1.500 fr. On passait 14 ans dans 3e classe et 13 ans dans la seconde. Donc, il devenait en fait impossible à la plupart des instituteurs d'arriver aux classes les plus élevées.

Dans le budget de 1899, on avait remédié en partie à cette situation singulière en votant un relèvement de crédit de 1.200.000 fr. sur les pensions de retraites, afin de permettre la mise à la retraite de 1.100 instituteurs, de plus, on avait pris le parti d'adopter chaque année un relèvement semblable. Le crédit a été maintenu en 1900 tel qu'il avait été voté en 1899, mais on n'y a rien ajouté. Les résultats n'étaient pas satisfaisants. Ceux du vote de 1900 ont été, au contraire, très importants, ils ont permis 16.000 promotions immédiates. D'autre part, et malgré l'apparence, ce vote a été favorable aux intérêts du Trésor, car il a fourni un argument sérieux pour rejeter un amendement qui, dans le but de relever les traitement des instituteurs, grevait le budget d'une nouvelle charge annuelle de 13 millions. Les indemnités allouées aux membres du Parlement ne peuvent pas compter parmi les petits traitements. Cependant, lors de la discussion du budget de 1899, une proposition a été faite à la Chambre pour élever de 3.480.000 fr. le crédit affecté aux indemnités des sénateurs et députés : la Chambre a eu l'esprit de la rejeter, ainsi qu'une autre proposition élevant à 12.000 fr. l'indemnité parlementaire. La question de la gratuité du mandat parlementaire a été agitée une fois de plus à cette occasion (1). Le parti socialiste n'a pas été le moins sage dans la circonstance; il a invité, par d'excellents arguments, la Chambre à repousser les propositions de relèvement.

On a également élevé le taux des retraites de certains petits fonctionnaires, les agents des postes et des contributions indirectes dont les traitements varient de 2.401 à 8.000 fr. Le budget de 1899 s'est occupé des premiers; le budget de 1900 des seconds; leur retraite est fixée aux deux tiers du traitement, sans pouvoir excéder 4.000 fr.

9. DES MESURES PRISES CONTRE L'AUGMENTATION DU NOMBRE DES FONCTIONNAIRES. -Nous disions plus haut que, pour réduire les charges successives imposées à nos budgets par les fonctions publiques, il vaut mieux s'attacher à simplifier les rouages administratifs qu'à réduire quelques gros traite

(1) Projet de résolution Lasies, Chambre, 24 mars 1899, J. Off. du 25, Déb. parl., p. 1089.

ments. En attendant cette simplification, on a cru devoir prendre immé. diatement des mesures pour empêcher, jusqu'à un certain point, la multiplication des fonctionnaires. La loi de finances du 30 décembre 1882 décidait que l'organisation centrale de chaque ministère serait réglée par un décret; son but était d'entraver la tendance qu'ont les ministres à augmenter leur personnel et surtout à y faire entrer des personnes étrangères aux administrations. Cette disposition a sans doute produit quelque effet, bien que, pour chaque ministère, des modifications effectuées par des décrets successifs aient permis aux ministres de continuer, en partie, les errements antérieurs. La loi des finances de 1900 (art. 35) va un peu plus loin, en décidant que le nombre des chefs de bureau et des fonctionnaires d'un grade supérieur ne pourra être augmenté que par une loi. En revanche un décret ne sera plus nécessaire que pour fixer le traitement, le nombre des emplois de chaque catégorie et les règles relatives au recrutement, à l'avancement et à la discipline. Il a paru, avec raison, sans inconvénient que les ministres pussent eux-mêmes déterminer les attributions des divers agents.

10. DE LA PUBlicité sur les BOÎTES D'ALLUMETTES, Le budget de 1899 a, pour la première fois, autorisé l'Etat à se ménager des ressources par la publicité sur les boîtes d'allumettes; on a prévu de ce chef une recette de 5 millions, qui a été loin d'être atteinte. L'innovation a soulevé des critiques très violentes on a reproché à l'Etat de remplir un rôle indigne de lui en organisant à son profit ce genre de recettes. Il est difficile de comprendre pourquoi l'Etat, dès lors qu'il remplit le rôle de commerçant, ne doit avoir qu'un souci, dans l'intérêt même de ses nationaux : c'est de rendre le plus productif possible le commerce qu'il exerce. D'ailleurs, le Journal Officiel a toujours inséré les annonces commerciales sans qu'on le lui ait reproché; on a fait valoir, il est vrai, que personne n'est forcé de se procurer le Journal Officiel, alors que tout le monde achète néces sairement des boîtes d'allumettes. Mais il n'en reste pas moins que, des deux parts, c'est l'Etat qui en effectue la publicité.

On a prétendu aussi que l'Etat assume, pour les annonces qu'il fait, une responsabilité; et les Chambres ont été en partie séduites par cette objection, puisque la loi interdit les annonces d'émissions financières et les annonces politiques sur les boîtes d'allumettes. L'Etat passe-t-il donc pour encourir une responsabilité morale à raison des annonces du Journal Officiel ?

11. LE RÉSULTAT DU DERNIER DÉGRÈVEMENT DE L'IMPÔT FONCIER. On se souvient du dégrèvement que la loi des contributions directes de 1898 accordait aux petites cotes foncières (1). On se rappelle aussi que le gouvernement, chargé d'organiser l'application de cette disposition, subordonnait le bénéfice du dégrèvement à des conditions nombreuses, pour la plupart arbitraires et illégales (2). De ces conditions, il est fatalement résulté que

(1) V. notre chronique de mai-juin, 1898, p. 490 et s.

(2) Même chronique, p. 498, note 2.

le montant total du dégrèvement n'a pas été atteint; il était de 25.804.750 fr., et les dégrèvements annuels n'ont pas dépassé 16.334.504 fr· Aussi le budget de 1899 a-t-il réduit à 20 millions les prévisions de dégrèvement. C'était un retour partiel et indirect sur les faveurs attribuées en 1897 à l'agriculture. Il eût été logique, peut-être, pour maintenir ces faveurs, d'élargir les bases du dégrèvement. La Chambre avait été plus loin, elle avait admis sur le chiffre total de la contribution foncière des propriétés non bâties une diminution de 15 millions, ne laissant de côté que les propriétés d'agrément. Immédiatement après, s'apercevant que cette manière de procéder n'était pas d'accord avec l'idée de soulager les petits contribuables, laquelle avait présidé à la réforme de 1897, la Chambre se contentait de réduire les cotes de 20 fr. 01 à 75 fr., et recouvrait la perte qui devait en résulter pour le Trésor sur les cotes supérieures à 200 fr. Le caractère dégressif depuis 1897 de l'impôt sur les propriétés non bâties s'exagérait ainsi. Il ne fallut plus ensuite que quelques minutes à la Chambre pour revenir sur son vote et renoncer à tout nouveau dégrèvement. L'énorme majorité qui se réunit autour de ce dernier vote montre combien peu, au fond, la Chambre s'intéresse aux problèmes fiscaux, et combien peu elle prend le temps d'y réfléchir (1).

12. ATTEINTES A LA FIXITÉ DES ÉVALUATIONS CADASTRALES ET AU PRINCIPE DE LA RÉIMPOSITION des dégrÈVEMENTS. La loi des contributions directes de 1897 avait, par dérogation à la fixité des évaluations cadastrales, décidé que les terrains qui, autrefois, étaient alternativement en étang et en culture, ne seraient plus, comme le prescrivait l'art. 80 de la loi du 3 frim. an VII, cotisés d'après le double rapport de la pêche et de la culture. Cette réduction d'impôt ne faisait rien perdre au Trésor; les contingents de la commune, de l'arrondissement ou du département ne subissaient aucune modification. L'art. 4 de la loi des contributions directes de 1899 fait de cette atténuation la source d'un préjudice pour l'Etat en décidant que ces divers contingents subiront une réduction correspondante au dégrèvement. La première de ces deux dispositions dérogeait à la fixation des évaluations cadastrales, la seconde déroge au principe d'après lequel les dégrèvements individuels sont réimposés dans les rôles des circonscriptions où ils sont accordés. Pécuniairement, la réforme, qui ne s'applique en fait qu'à un petit nombre d'immeubles situés dans l'Ain, est peu importante; on a évalué à 600 francs la perte que subira l'Etat. Mais par leur caractère, ces dispositions sont très graves. Outre qu'elles ouvrent la voie à mille réclamations de même nature, elles montrent que les principes fondamentaux des impôts de répartition cessent d'être regardés comme intangibles, que les avantages attribués jusqu'à présent à cette forme de taxes car le premier de ces avantages est précisément d'enlever tout mécompte à l'Etat,- ne sont plus considérés comme évidents, et que la transformation de l'impôt foncier des propriétés non bâties en une taxe de quotité ne tardera pas à réunir l'assentiment de tout le monde. La petite réforme introduite dans le département de l'Ain est le signe avant-coureur d'une grande réforme.

(1) Chambre, 11 juillet 1998, J. Off. du 12, Deb. parl., p. 2026.

REVUE DE DROIT PUBLIC. -T. XIV.

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13. LE RÉGIME DES SALINS, SALINES ET MARAIS SALANTS. Des dispositions qui précèdent on doit rapprocher celles de la loi (d'ailleurs indépendante du budget) du 25 nov. 1898.

Suivant l'art. 17 de la loi du 17 juin 1814, les bâtiments dépendant des salins, salines et marais salants étaient imposés à la contribution foncière d'après leur valeur locative, et les terrains suivant le taux des meilleures terres labourables. L'art. 5 de la loi du 21 juillet 1897 a modifié cette législation, en partie pour la mettre d'accord avec la législation de 1890 sur l'impôt des propriétés bâties les bâtiments sont soumis à l'impôt de quotité comme les autres immeubles, c'est-à-dire d'après leur valeur locative, sous déduction d'un quart ou d'un tiers suivant qu'ils rentrent dans la catégorie des maisons ou des usines; les terrains restent soumis à la taxe de répartition sur les propriétés non bâties, mais proportionnellement aux autres propriétés non bâties. Le dégrèvement que leur accorde cette dernière disposition est reporté sur le contingent départemental. Le Trésor ne subit donc aucune perte; cependant, le principe de la réimposition des dégrèvements est en partie méconnu comme, dans certaines communes pauvres, les salines ont une place très importante, on aurait surchargé ces communes outre mesure en reportant sur les autres terres de la commune le dégrèvement accordé aux salines; reportée sur tout le département, la décharge devenait peu sensible.

Mais, dans cette disposition, il n'était pas question des centimes départementaux et communaux, lesquels souvent sont de beaucoup supérieurs au principal de l'impôt foncier. Suivant l'art. 25 de la loi du 8 août 1890, pour le calcul des centimes départementaux et communaux, on prend pour base le principal inscrit aux rôles de 1890; par suite, la modification introduite par la loi de 1897 n'enlevait aux communes où se trouvaient des salines aucune partie de leurs charges relativement à ces centimes. Et comme, d'autre part, il faut tenir compte, par une dérogation qu'apporte cet art. 25 à ses propres dispositions, des mouvements de la matière imposable pour la fixation des centimes dus individuellement sur chaque propriété, les salines dont le revenu cadastral se trouvait diminué par la loi de 1897 bénéficiaient sur ces centimes d'un dégrèvement qui se reportait sur les autres propriétés de la commune. C'est pourquoi la loi de 1898 a complété celle de 1897 en décidant que, dans chaque commune où se trouveraient des salines, etc., le principal fictif servant de base au calcul des centimes départementaux et communaux subira un dégrèvement correspondant au dégrèvement établi sur les salines, et que la somme dont le principal fictif de la commune aura été ainsi réduit sera reportée sur l'ensemble des communes du département, proportionnellement au principal réel de chacune d'elies.

Il est clair que cette nouvelle réforme manquera en grande partie son but; en ce qui concerne les centimes départementaux, la réduction du principal fictif aura, à la vérité, tout son effet, le nombre des centimes restant le même et le principal sur lequel ces centimes sont calculés subissant une diminution; les autres communes du département payeront le dégrèvement. Cela n'est pas, d'ailleurs, tout à fait juste: il eût été pré

férable de le mettre à la charge de toutes les communes, y compris celle même qui bénéficie du dégrèvement. La solution de la loi conduira à ce résultat étrange que chaque commune qui bénéficiera d'un dégrèvement en reportera le poids total sur les autres communes sans en excepter celles qui se trouveront dans la même situation qu'elle.

Mais en ce qui concerne les centimes communaux la disposition de la loi de 1898 est platonique : le principal fictif est réduit, mais les besoins de la commune restent les mêmes; pour s'éviter une diminution de ses ressources la commune devra augmenter le nombre des centimes communaux; en fait, les contribuables de la commune ne bénéficieront, en ce qui concerne les centimes communaux, d'aucun dégrèvement. Et l'on sait que, comparativement à ces centimes, les centimes départementaux ne pèsent, en général, que d'un poids léger sur les propriétés.

Cette observation a fait introduire dans la loi de 1898 une importante modification aux principes en vigueur relativement aux autorités chargées d'autoriser les centimes communaux. Il y a des centimes qui sont autorisés pour plusieurs années en vue de satisfaire à une dépense durable, notamment à des remboursements d'emprunts; le nombre de ces centimes ne peut être modifié par le conseil municipal. La loi permet aux préfets de l'augmenter de manière à donner le même produit que par le passé.

14. LA POPULATION FLOTTANTE AU POINT DE VUE DE L'IMPÔT MOBILIER. Personne n'ignore que la répartition des impôts directs est faite par le conseil général du département, entre les communes, au mois d'août, que, par conséquent, la commission des répartiteurs de chaque commune est dans l'obligation de dresser la liste des contribuables et des éléments d'imposition de la commune à une époque antérieure, généralement au mois de mai, et que, par conséquent, le contingent de la commune et la cote de ses habitants et de ses propriétaires sont établis en puissance dès le mois de mai pour l'année qui prendra son point de départ au 1er janvier suivant. Or, dans toutes les communes, il se produit nécessairement, pendant un délai aussi long, des changements nombreux; dans la banlieue des grandes villes, il arrive quelquefois qu'un cinquième de la population a quitté la commune dans cet intervalle; pour les impôts foncier et des portes et fenêtres, qui sont payés par les propriétaires, cela n'a guère d'inconvénient, les propriétaires étant généralement faciles à retrouver; pour l'impôt mobilier, payé par tous les habitants, il en est autrement : la taxe afférente à ceux des habitants qui ne peuvent être retrouvés, est, suivant les principes posés par les lois relatives aux impôts de répartition, reportée sur les autres habitants de la commune.

Cette situation singulière a été signalée à la Chambre (1). Elle ne comporte pas d'autre remède que la transformation des impôts de répartition en impôts de quotité, et constitue un argument de plus en faveur de cette transformation. On a proposé de dresser des cotes supplémentaires au mois de novembre; le ministre des finances a répondu très justement que

(1) 12 mars 1900, Journ. Offic. du 13 mars, p. 825.

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