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REVUE DES PÉRIODIQUES

PÉRIODIQUES FRANÇAIS

La Révolution française

Année 1896, Recueil mensuel, 20 francs. Paris, 3, rue de Furstenberg. I. G. DUBOIS. La déchristianisation dans la ville et dans le district de Coutances. Janvier 1896.

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L'auteur passe en revue les diverses mesures prises par la Convention ou ses délégués dans le département de la Manche pour détacher les populations des idées religieuses dans lesquelles elles avaient été élevées. Les membres des administrations locales, sincèrement attachés aux principes de la Révolution, résistent cependant dans maintes circonstances aux décisions prises par les conventionnels. La lutte religieuse poursuivie de la sorte depuis le vote de la Constitution civile du clergé jusqu'au 9 thermidor a-t-elle eu des résultats efficaces? M, Dubois ne le pense pas, et constate que les idées religieuses ont persisté chez la plupart des citoyens. Il fait observer du reste que les procédés employés, et les résultats atteints ne sont pas spéciaux au district de Coutances et que l'histoire s'est déroulée de la même manière dans bien des villes de France.

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II. A. AULARD. - Février 1896. On croit souvent que les violences exercées contre les prêtres et les catholiques par les représentants en mission l'ont été par ordre du Comité de Salut public. M. Aulard publie des lettres inédites qui prouvent l'inexactitude de cette manière de voir. Sans doute le Comité était l'adversaire de la religion, mais il répudiait « les violences anti-religieuses dont la masse de la France ne voulait pas ».

La politique religieuse du Comité de Salut public.

Il exhortait ses représentants à la tolérance, à la patience, à la prudence, leur conseillant seulement « d'éclairer l'homme de bonne foi que d'antiques préjugés aveuglent,.... de persuader, et de ne jamais violenter ».

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III. G. DUBOIS. Le culte révolutionnaire à Coutances. 1896.

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M. Dubois, après avoir étudié dans un précédent article les mesures anti-religieuses prises, dans la Manche, par les représentants du Comité de Salut public, décrit les efforts de la Société populaire et de la Municipalité de Coutances pour remplacer les anciennes cérémonies religieuses.Rien ne fut négligé pour enterrer le dimanche » selon l'expression d'un représentant; cependant on n'obtint dans les villes qu'un « faible enthousiasme » et on se heurta dans les campagnes à de sérieuses résistances.

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En vain prescrivit-on l'ouverture des magasins et l'assistance des enfants aux écoles pendant les ci-devants dimanches, en vain organisa-t-on une surveillance spéciale afin de connaître les citoyens qui observaient le repos pendant les jours de fêtes catholiques, en vain un arrêté de messidor an II vint-il décider que quiconque reconnaîtrait d'autres fêtes que le décadi serait regardé comme suspect; on n'obtient jamais une affluence générale aux réjouissances publiques et la

masse des citoyens ne participa jamais à l'allégresse que les administrateurs désiraient trouver chez leurs concitoyens. Après thermidor, les fêtes civiques tombèrent presque en désuétude; la liberté des cultes fut proclamée ; les portes des prisons s'ouvrirent devant les prêtres; les églises furent rendues au culte, et servirent à tour de rôle aux cérémonies catholiques et aux fêtes décadaires. La Terreur, malgré sa violence n'avait, pu exterminer le catholicisme.

IV. GUILLAUME.

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La liberté des Cultes et le Comité de l'Instruction publique. Juin, juillet 1896.

L'auteur ne se borne pas à retracer le rôle du Comité de l'Instruction publique en l'an II; son étude plus générale embrasse un assez grand nombre d'incidents du mouvement populaire contre les Cultes qui se produisit à cette époque ; il étudie les débats auxquels ces incidents donnèrent lieu soit à la Convention, soit au sein des différents Comités. M. Guillaume recherche quel a été l'esprit des conventionnels en matière religieuse, et il croit pouvoir affirmer qu'ils ne se sont jamais départis de la neutralité la plus complète.

L'intention de la Convention, disait Robespierre, est de maintenir la liberté « des cultes qu'elle a proclamée et de réprimer en même temps tous ceux qui en << abuseraient pour troubler l'ordre public. Elle ne permettra pas qu'on persécute « les ministres paisibles du culte, et, elles les punira avec sévérité toutes les fois qu'ils oseront se prévaloir de leurs fonctions pour tromper les citoyens et pour << armer les préjugés ou le Royalisme contre la République ». Le Comité de l'Instruction publique ne cherchait pas à imposer ses vues en matière religieuse. Quand on lui envoyait des pétitions, des vœux, des projets de décret d'ordre purement religieux il se contentait de les classer et répondait que ce domaine n'était pas le sien. Une étude attentive des actes du Comité de l'Instruction publique et des autres comités de la Convention amène M. Guillaume à formuler cette conclusion : « Sauf quelques exceptions, les hommes de la Révolution mis << en présence des problèmes fondamentaux de la politique et de la philosophie les << ont abordés en général dans un esprit de modération scrupuleuse ct leur atti«tude en ces matières est souvent non celle de l'audace, mais celle de la timi« dité ».

V. A. BRETTE. Les cahiers de 1789 considérés comme mandats impératifs. Août 1896.

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On a souvent écrit que les députés du tiers en 1789 avaient résisté au pouvoir royal « par coup de tête et comme par malice ». M. Brette démontre que leur conduite n'a été que conforme à la volonté de leurs électeurs. Dans leur ensemble les cahiers de 1789 ont été faits pour lier les députés par de véritables mandats impératifs.

En premier lieu, la manière dont ils sont rédigés le prouve.

« Nous enjoignons »« nous défendons » - «nous ordonnons » à nos députés sont des formules que l'on rencontre dans beaucoup de cahiers et qui montrent bien que les députés sont, comme le dit la noblesse du Roussillon : « des mandataires, les fondés de pouvoirs, les organes de la volonté publique ».

D'autre part, on relève dans les cahiers des mesures prises par les électeurs pour s'assurer que les députés tiendront aux Etats Généraux les engagements pris. Le député est surveillé par les commettants. Il prète serment de fidélité aux cahiers, souvent ces cahiers prononcent la révocation des pouvoirs octroyés pour le cas où le député n'aurait pas tenu ses promesses. La session finie, le député est astreint à rendre compte de son mandat ; quelquefois même, des « bureaux de correspondance » sont institués pour tenir l'électeur au courant de ce qui se fait à l'assemblée pendant la session.

Sans doute, toutes ces précautions ne sont pas prises dans tous les cahiers, mais elles le sont les unes ou les autres dans un grand nombre d'entre eux.

Les cahiers de 1789 donnaient donc à leurs députés des mandats impératifs lesquels portant ombrage à l'autorité royale furent interdits par l'article 6 de la déclaration lue par ordre de Louis XVI à la séance du 23 juin : « Sa Majesté ne << souffrira pas, contenait cet article, que dans les tenues suivantes d'Etats Géné<< raux, les cahiers ou les mandats puissent jamais être considérés commé impéraatifs, ils ne doivent être que de simples instructions confiés à la conscience et ‹ à la libre opinion des députés dont on aura fait choix. ».

VI. FÉLIX MOURLOT.

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La convocation des Etats Généraux dans le bailliage de Vire. Les Elections et les Cahiers du Tiers Etat. Octobre, novembre 1896.

L'auteur étudie l'application dans le bailliage de Vire des divers règlements royaux relatifs aux élections des députés en 1789. Il fait l'histoire des assemblées qui eurent à désigner un représentant. Cette partie du travail de M. Mourlot ne présente qu'un intérêt exclusivement local.

Plus général est l'intérêt de l'analyse que fait l'auteur des cahiers du Tiers État du bailliage de Vire. Ces cahiers réclament une réforme dans presque toutes les branches de l'administration publique. Ils demandent une Constitution fixant des limites à l'autorité royale et posant des bornes aux droits des sujets. Ils réclament la liberté individuelle et celle de la presse; ils émettent le vœu que les Etats Généraux se réunissent à époques fixes et soient composés chaque fois de députés nouveaux avec mission de faire les lois et de voter l'impôt. Ils demandent que l'impôt soit supporté désormais par tous les citoyens et non pas seulement par le paysan, que les dîmes et les droits féodaux soient supprimés afin de soulager le roturier. Enfin ils voudraient voir les biens des religieux consacrés à l'établissement des hôpitaux dont le besoin se fait si vivement sentir et le clergé séculier, aimé du peuple des campagnes pouvoir, grâce à une augmentation de revenus, venir en aide aux misérables qu'il était jusqu'à lors impuissant à soulager.

LOUIS GRIMAUD,

Avocat à Grenoble.

PÉRIODIQUES ITALIENS

Nuova antologia. Rome.

D. ZANICHELLI. Il papa alla conferenza internazionale pol disarmo (Le Pape à la conférence internationale du désarmement) (fasc. 16 février 1899). On connaît la question qui s'est débattue particulièrement en Italie à propos de la conférence internationale dont le Tzar s'est fait le promoteur : le Souverain Pontife devait-il être invité à y prendre part?

Le savant auteur, bien connu des lecteurs de cette Revue, aborde la question en la dédoublant le Pontife a-t-il le droit d'être convoqué à la conférence dont il s'agit? S'il n'en a pas le droit, peut-il y être invité quand même ? Pour avoir ce droit, le Pontife devrait être un souverain, un véritable chef d'Etat. Mais telle n'est pas sa position, si l'on s'en tient à la loi italienne sur les << garanties » pontificales loi qui ne contredit pas aux règles du droit des gens, qui répond à la véritable condition du Saint-Siège, et qui a été implicitement ou explicitement reconnue par tous les pays qui conservent des rapports amicaux avec la Papauté et avec l'Italie. La loi des « garanties » a sans doute reconnu au

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Pontife certaines prérogatives qui sont propres aux chefs d'États; mais ce sont les garanties simplement personnelles, comme l'inviolabilité juridique, la plus sévère répression des crimes à son égard, les honneurs souverains, etc., et sans aucun rapport avec le corps dont le Pape est le chef. Par cela même que la loi lui attribue certaines prérogatives des souverains temporels, elle entend nier qu'il soit réellement un souverain au vrai sens du mot: au reste, pouvait-elle avoir d'autre intention, puisqu'elle découlait de la suppression du pouvoir temporel du Saint Siège ?...

Tous ses articles confirment cette manière de voir. Le Pontife a la faculté de conserver le nombre habituel de ses gardes, mais la loi établit soigneusement qu'il ne s'agit pas d'une armée telle qu'en ont les Etats. Le Pontife a une dotation annuelle sur le budget italien, mais ce n'est pas une liste civile. Il a des palais, mais il n'en est pas le souverain. Même la défense d'entrer dans les lieux de demeure du Pontife ou de séance des conciles et des conclaves signifie qu'il ne peut s'agir d'un territoire indépendant; car si telle avait été l'intention de la loi, elle n'aurait pas eu besoin de dire que les agents du gouvernement italien ne peuvent pas y pénétrer : aucune loi n'est nécessaire pour défendre à nos fonctionnaires d'exercer les actes de leur office en France ou en n'importe quel autre Etat.

Le Pape peut recevoir et accréditer des envoyés « qui sont traités, en Italie, comme les agents diplomatiques des puissances étrangères », et voilà encore une assimilation qui par cela même exclut l'identité. Du reste, le droit public moderne n'admet pas de souveraineté là où il n'existe pas d'Etat, c'est-à-dire de peuple organisé politiquement sur un territoire qui lui est propre. Aujourd'hui les rois ne sont des souverains que parce qu'ils sont des chefs d'Etats: si l'Etat manque, la souveraineté manque aussi. Par conséquent, le Pontife n'ayant pas d'Etat n'est pas un souverain, et dès lors il n'a pas le droit d'être convoqué à la Conférence.

Mais, puisqu'il jouit néanmoins de certaines prérogatives des souverains, peuton dire qu'il y a là une absurdité juridique? Non! il y a simplement une nouveauté juridique : quelque chose qui est hors du droit public traditionnel, mais non contre le droit public. A des conditions différentes, une organisation différente. Le monde moderne a opposé l'Italie au Pontife: elle a ôté à celui-ci la souveraineté temporelle, elle lui a garanti la souveraineté spirituelle ; et par cela même que les garanties sont constituées en vue de l'indépendance du Pontife comme chef de l'Eglise, on ne peut pas les étendre pour faire du Pape un souverain semblable aux chefs des autres États.

Cela posé, l'auteur passe à la seconde question. Si le Pape n'est pas un chef d'État, il est cependant le chef d'une religion qui compte plus de deux cents millions de fidèles : et puisqu'il s'agit d'une conférence pour la paix du monde, ne serait-il pas bon de l'y convoquer, au plus grand avantage de tous? Si l'invitation eût été très clairement motivée ainsi, alors, observe M. Zanichelli, l'Italie n'aurait plus de raison pour s'y opposer; mais, en revanche, le droit international aurait raison de s'y opposer. Ferait-on place au chef d'une religion, pris précisément en cette qualité, après qu'on a tant travaillé pour dégager tout à fait les Etats des influences religieuses? Et pourquoi inviterait-on le chef de la religion catholique sans convoquer aussi les chefs des autres religions qui de même sont intéressés à la paix universelle? Le Sultan, la Reine d'Angleterre, l'Empereur d'Allemagne, le Tzar lui-même, qui sont aussi à la tête de différentes confessions, pourraient-ils permettre ce privilège au Pontife? Peut-être parce que la religion catholique est la plus nombreuse; mais le nombre ne saurait donner un privilège en cette matière.

Au reste, le Vatican serait contraire lui-même à cette espèce de concession,

qui impliquerait une nouvelle confirmation de l'inexistence du pouvoir temporel. Enfin, il n'est pas bon de mêler à un accord hautement politique un élément religieux qui n'est pas nécessaire et qui pourrait choquer les esprits libéraux du monde civilisé. Si le Pape prenait part à la conférence, le mysticisme politique qui a inspiré le Tzar dans son acte revêtirait un aspect menaçant, semblable à celui qu'eut la Sainte Alliance au début de ce siècle.

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A. MALVEZZI.

Il Senato e la Costituzione belga del 1893 (Le Sénat et

la Constitution belge en 1893) fasc, août et septembre 1898.

A la fin de 1891 le mouvement dans le sens de l'élargissement du droit de suffrage se fit irrésistible en Belgique : aussi, d'un commun accord, les partis parlementaires s'engagèrent dans la révision de la Constitution, vieille de 60 ans. Mais bientôt apparut le désaccord sur les moyens à employer: les radicaux prônaient tout simplement le suffrage universel, les libéraux demandaient le régime capacitaire, le gouvernement voulait s'en tenir encore au régime censitaire tout en lui donnant, à l'instar de l'Angleterre, une base plus large dans l'occupation d'une maison d'habitation; puis les conservateurs s'inspirèrent d'un autre principe, celui de la représentation des intérêts ou des classes sociales, pour la composition des deux Chambres à la fois. On sait que ce ne fut pas ce système, pas plus que les trois précédents, qui finit par triompher en Belgique et l'auteur retrace très fidèlement les diverses étapes, qui, de guerre lasse, amenèrent les constituants au vote plural.

Cette exposition donne à M. Malvezzi l'occasion de développer soigneusement la question d'une meilleure organisation du droit de suffrage, si bien qu'au dessus des arguments des orateurs belges, qu'il rapporte, on voit se dessiner ses propres préoccupations pour l'avenir du régime représentatif et ses propres penchants pour la représentation professionnelle de toutes les classes sociales.

Le problème a été posé depuis longtemps; en tout pays les hommes soucieux de l'avenir s'en préoccupent comme d'une question fondamentale pour l'existence des institutions représentatives. On connaît les beaux livres de M. Prins en Belgique, de M. Benoist en France, de M. Persico en Italie; on connaît les critiques adressées à la présente organisation du suffrage, critiques que, pour ma part, je crois irrefutables.

Jusqu'ici on demandait l'extension du droit de vote à tous ceux qui pensent et travaillent; aujourd'hui on en est venu à comprendre que le droit de voter n'est rien, que le suffrage universel n'est rien, si le vote n'aboutit pas à quelque chose, c'est-à-dire à la représentation exacte du pays dans son Parlement. Il ne suffit pas, en effet, que le régime moderne soit parlementaire: il faut avant tout qu'il soit représentatif. Or voilà justement ce qui nous manque ; car les députés, élus pêle-mêle par la moitié plus un dans de vastes circonscriptions territoriales, ne peuvent que représenter des idées abstraites, des aspirations générales, des opinions politiques au sens indécis de ce mot; de plus, leur élection est faite en réalité par des comités irresponsables, qui s'imposent à la masse des électeurs et lui ôtent toute liberté d'élire. On admet aujourd'hui que la société est un corps vivant composé d'organismes vivants; et néanmoins, lorsqu'il s'agit d'élections, on croit être libéral en se cramponnant encore à la vieille solution simpliste de la moitié plus un, avec ses deux conséquences inévitables de l'annulation de la liberté électorale et de l'absence de tout caractère représentatif chez les élus.

Ainsi ces élections sont des luttes où l'enjeu est tout ou rien, et chaque parti

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