Page images
PDF
EPUB

lisme français se trouvent dans les principes, les actes et les circonstances de la Révolution, notamment dans le principe de l'égalité. La conséquence ne fut d'abord tirée par personne. C'est seulement quand on eut souffert des abus politiques du régime bourgeois que des écrivains demandèrent un supplément de révolution sociale. Leur voix d'abord étouffée reprit de la force sous la République démocratique et avec les premières victoires militaires. La Terreur refuse la loi agraire et affirme la propriété ; mais par ses actes et ses lois de circonstance, par ses taxes et ses emprunts forcés, elle tendait, en vue de la défense nationale, à créer en beaucoup de lieux une sorte de régime collectiviste. C'est ce régi me exceptionnel que Babeuf demande comme régime général et permanent.

:

A. VIALLATTE. — Vingt-cinq ans de finances anglaises (livr, du 15 sept. 1899, p. 299-326). Dans ces vingt-cinq dernières années, les dépenses de l'Angleterre ont augmenté de 920 millions de francs, soit 55 p. 100. L'augmentation est due aux services militaires pour 425 millions, employés à développer l'armée et surtout la marine, pour suivre le mouvement des autres peuples européens; aux services civils pour 257 millions, consacrés en majeure partie à des services nouveaux, comme ceux de l'instruction publique et de l'hygiène, aux dépenses nécessitées par les lois ouvrières, aux dépenses coloniales; aux subventions accordées aux administrations locales pour 237 millions.

Pour faire face à ces dépenses nouvelles, l'accroissement naturel des recettes existantes n'eût pas suffi; il a fallu créer des impôts nouveaux. Or, dans cet ordre d'idées, le fait le plus frappant est que les sacrifices nouveaux ont été demandés pour les deux tiers à la propriété, pour un tiers seulement aux consommations. C'est le renversement de l'ancienne politique fiscale de l'Angleterre, qui s'adressait principalement aux taxes de consommation, à celles qui frappaient les objets de première nécessité. Ce changement, auquel les deux grands partis historiques ont également aidé, a pour causes principales l'adoption du libreéchange et la prospérité industrielle qui a suivi d'une part, l'extension du droit de suffrage d'autre part, également défavorables aux impôts de consommation. Ira-t-on plus loin dans cette voie comme le veulent les libéraux ? reviendra-t-on aux taxes supprimées, selon le vœu des conservateurs? Tel est le problème que pose l'accroissement continu des dépenses et que la réduction du crédit pour l'amortissement, adoptée l'année dernière, a éludé et non résolu,

-

VICTOR BERARD. L'Angleterre et le panbritannisme (livr, du 15 déc. 1899, p. 871-910.- L'impérialisme triomphe en Angleterre. Mais cet empire que tous rêvent, chacun l'imagine à sa façon le lord y voit une immense machine constitutionnelle où il gardera une place privilégiée; le populaire songe à la domination militaire; le marchand espère un monopole commercial. Il faudra choisir, car les trois choses ne se réaliseront pas en même temps. D'un Parlement impérial, il ne faut pas parler, dit Sir Charles Dilke, tant que l'Angleterre paiera seule la marine, l'armée et la diplomatie. Il ajoute que l'empire commercial suppose ou l'abandon du libre-échange par la métropole ou l'abandon du protectionnisme par les colonies, deux faits également improbables. L'Empire militaire coûterait très cher; or l'expérience des dernières années prouve que l'accroissement du commerce ne suit pas fidèlement l'augmentation des dépenses militaires; puis la conscription, que les Anglais ont en horreur, deviendrait indispensable, et enfin la guerre est ruineuse pour l'Angleterre qu'elle affame et dont elle restreint le commerce.

Il y a un autre côté de la question. Le panbritannisme implique l'alliance américaine, au point de vue politique comme au point de vue commercial. Mais

les Etats-Unis se sont outillés, ils mettent en valeur les énormes richesses minėrales de leur sol, et non seulement ils demandent beaucoup moins à l'industrie anglaise, mais encore ils sont partout de redoutables concurrents. Déjà plusieurs colonies anglaises ont avec eux des conventions commerciales fâcheuses pour la métropole. Le panbritannisme profiterait surtout aux Yankees.

Les Anglais réfléchiront sur ce sujet après la guerre et ils s'apercevront alors que pour sauver leur commerce en baisse, le meilleur est de renoncer à l'impérialisme.

Recueil général des lois et arrèts (Sirey). Paris, 22, rue Soufflot; in-4°. Sur 3 col.; mensuel, 30 fr. par an. 1899. Troisième partie, p. 121.

A l'occasion d'un arrêt du Conseil d'Etat qui d'ailleurs esquivait la question, M. Hauriou se demande si les Chambres législatives possèdent la personnalité morale. Il remarque: 1o que si cette personnalité existe, elle est en même temps administrative, et les Chambres sont comparables à des établissements publics; elles gèrent en effet un service public, et c'est là le principal; elles votent des lois d'affaires qui sont de véritables actes administratifs ; elles ont des services intérieurs qui sont administratifs; elles ont des organes administratifs. Il est vrai qu'elles ne sont pas comprises dans la hiérarchie, mais cela n'est nécessaire que pour les dépendances de l'exécutif, et, si leurs actes ne sont pas susceptibles de recours, ce privilège tient à leur rôle constitutionnel; 2° que cette question se rattache à la question plus générale de savoir à quelles conditions, en l'absence d'une loi formelle, un service public se personnifie en établissement public. Il propose la notion suivante : il y a personnalité quand il y a droits propres, et il y a droit propre quand il y a dotation en propriété ou faculté d'ester en justice. Le premier point va sans difficulté. De même on admettra sans difficulté que le droit d'ester en justice est caractéristique de la personnalité. Mais quelques auteurs se contentent de l'individualité financière; elle est cependant insuffisante, car c'est une mesure de comptabilité, une simple mesure d'ordre prise dans l'intérêt de l'administration générale, et elle ne révèle aucun droit propre; 3o que les Chambres semblent n'avoir pas de droit propre, car leur dotation est fournie par l'Etat, leurs palais ne leur appartiennent pas ; mais elles sont propriétaires d'un mobilier (bibliothèque, etc.) et cela suffit pour donner au moins les symptômes de la personnalité. La Chambre des députés, il est vrai, se renouvelle intégralement ; mais il n'en résulte pas nécessairement une extinction et une renaissance périodique de sa personnalité.

M. Hauriou estime d'ailleurs que la personnification des Chambres et plus géné ralement des assemblées délibérantes est fâcheuse; elle accentuera la tendance des élus à se comporter en syndicats politiques et à perdre de vue les intérêts du peuple.

F. MOREAU,

Professeur à la Faculté de droit

d'Aix-Marseille.

VARIÉTÉS

Le Congrès international de droit comparé

(31 juillet-4 août 1900).

Le Congrès international de droit comparé, organisé par la Société de législation comparée, a tenu ses séances à la Faculté de droit, du 31 juillet au 4 août. M. Georges Picot, président effectif du Congrès, a prononcé à la séance d'ouverture un discours où il montrait l'utilité, la nécessité mème du Congrès : « Il faut voir, disait-il, fonctionner une législation dans le pays pour lequel elle est faite. Il faut se trouver en contact avec le jurisconsulte dont la franchise vous dit après l'exposé d'une loi : nous sommes contents de ce régime; il fonctionne bien ou cette loi est défectueuse; nous en souhaitons la réforme. Rapporter ce jugement, tombé de la bouche d'un de ces savants que nous avons appris à estimer, cela vaut un voyage. Le véritable instrument de nos études, c'est le contact, c'est ce que nous faisons aujourd'hui, c'est la pensée qui nous rassem ble, c'est en un mot le Congrès international de droit comparé. Tous nos Congrès sont utiles. Le nôtre est nécessaire. Il constitue l'essence, la vie même de notre science ».

Le Congrès contenait six sections: Theorie générale et méthode, droit international privé, droit commercial, droit civil, droit public, criminologie. La première section avait à son ordre du jour trois questions: 1° conception générale et définition de la science du droit comparé; 2o le droit comparé et l'enseignement du droit; 3o des modes d'information relatifs à la connaissance et à l'application des lois étrangères ; statistiques, communications internationales, preuve du droit étranger au cas de conflit de lois. M. Kelley proposa à la section et au Congrès la création d'un office international central des renseignements juridiques et législatifs. Le Congrès a nommé une commission internationale en vue de l'organisation de l'office en question, dont le siège doit être à Paris, sous les auspices de la Société de législation comparée.

La deuxième section a discuté la question suivante: «Des moyens à employer pour aboutir à une entente entre les différents pays, soit par voie d'union internationale, soit par voie de traités particuliers, au sujet de la compétence judiciaire et de l'exécution des jugements.

La troisième section avait deux questions à son ordre du jour : « De la situation juridique faite, dans chaque pays, aux sociétés de commerce étrangères. Des moyens à employer pour réaliser l'uniformité des lois et des usages en matière d'effets de commerce ».

La quatrième section s'est occupée de deux questions : « L'évolution des doctrines et des diverses législations en ce qui touche la théorie de la personnalité civile et son application aux associations, établissements et fondations. - Le régime matrimonial de droit commun : des différents régimes admis dans les diverses législations, et de l'évolution, sur ce point, des usages et du droit coutumier. Les tendances et les conséquences qui se dégagent de cette étude ». La question de la personnalité civile a donné lieu à des discussions scientifiques et à des exposés de législations positives du plus haut intérêt; MM. les professeurs

Gradenwitz et Huber ont notamment fourni des renseignements très intéressants sur les législations allemande et suisse. La question des régimes matrimoniaux n'a pas présenté moins d'intérêt. La section de droit civil a émis le vœu suivant: « La section de droit civil du Congrès de droit comparé appelle l'attention de la Société de législation comparée sur l'étude dans les divers pays, des résultats pratiques engendrés par les régimes matrimoniaux légaux ».

La sixième section (criminologie) s'est occupée de deux questions : « Les tendances nouvelles en matière pénale; leur influence sur le mouvement législatif des différents pays; la part faite, en particulier, à l'école mixte qui voit dans la législation criminelle surtout un procédé de politique sociale, et que l'on désigne en Allemagne sous le nom de Kriminalpolitik. Les progrès du régime pénitentiaire; de l'influence exercée par la comparaison des lois étrangères sur les modifications apportées au régime pénitentiaire sous ses formes diverses, métropolitaines et coloniales. »>

La cinquième section est celle qui nous intéresse davantage : c'est la section de droit public dont les séances furent présidées par MM. Ribot et Poincaré. La section de droit public, dont les séances étaient suivies par des hommes politiques français et étrangers, des publicistes, des professeurs et des magistrats éminents, s'est occupée de deux questions qui se touchent de près : Le gouver. nement parlementaire; ses transformations et son fonctionnement dans les divers pays. La théorie du régime parlementaire, telle qu'elle se dégage de l'évolution comparative des institutions. - La représentation proportionnelle, ses progrès, ses résultats dans les différents pays.- La première condition du bon fonctionnement des institutions politiques, c'est la valeur des hommes qui sont chargés de les faire fonctionner; le régime électoral et le régime parlementaire sont étroitement lies; on ne peut pas parler de la réforme du second sans parler du premier. La question du régime parlementaire a été discutée, après un remarquable rapport de M.Saleilles, aux séances du 1er et du 2 août. Il a fallu d'abord savoir de quoi on allait parler: en droit public,la terminologie étant un peu vague, il faut préciser autant que possible le sens des termes employés. On a écarté des dénitions trop larges qui identifiaient le régime parlementaire avec la liberté elle-même et l'on s'est arrêté à la définition suivante: «Le parlementarisme est le régime sous lequel le gouvernement est dirigé par un cabinet soumis à l'influence du parlement. » Le parlementarisme ainsi défini, il fallait s'occuper des moyens propres à guérir le malade ». Tout le monde a d'abord reconnu qu'il n'y a pas que le parlementarisme qui soit malade; M. Larnaude montra même les difficultés que la réforme parlementaire rencontrerait en France à cause de l'existence des partis anticonstitutionnels, M, Tarde a exposé son système de vote plural en faveur des chefs de famille qui ̈ auraient un vote personnel et en outre des votes représentatifs de leurs femmes et enfants mineurs. Nous avons combattu ce système qui aboutit juridiquement à une cascade des représentations personnelles et qui, pratiquement, offrirait plus d'une difficulté. MM. Errera et Dupriez ont insisté sur les excellents effets qui résulteraient du choix des ministres en dehors des Chambres. Ce système pourrait avoir plus d'un avantage, mais pourrait-on espérer ainsi le fonctionnement normal et facile du régime parlementaire qui suppose une majorité politique disciplinée et conduite par des hommes politiques influents? M. Dunand a vantė le referendum suisse; M, Larnaude ne croit pas que l'existence « d'un peu de referendum serait contraire au régime parlementaire. Nous croyons, pour notre part, que le referendum royal (comme on l'avait proposé en Belgique) est en contradiction flagrante avec la responsabilité politique des ministres. Nous avons la même opinion en ce qui concerne le referendum legislatif, qui était tout spécialement visé; son fonctionnement apporterait des troubles graves dans la

D

machine parlementaire. Nous nous demandons : la responsabilité politique du cabinet, à propos d'un projet de loi présenté par lui, se poserait-elle devant les Chambres ou devant le corps électoral? et, en cas de divergence de vues entre les Chambres et le corps électoral, quelle serait l'attitude du cabinet? Nous croyons que le moindre inconvénient du système serait une responsabilité politique de fait devant le corps électoral l'emportant le plus souvent sur la responsabilité de droit devant les Chambres. Ce serait la confusion et, finalement, le dérangement complet du régime parlementaire. La vraie réforme parlementaire consiste dans la réforme des procédés de vote des lois par les Chambres, ainsi que l'ont montré MM. Larnaude et Dunand, et surtout dans la réforme électorale.

Aussi, la discussion sur la représentation proportionnelle a-t-elle été capitale. Après la lecture d'un intéressant rapport de M. Mestre, on a posé la question de principe. Nous avons essayé de défendre le principe et d'établir le fondement juridique de la R. P. Nous n'avons pas trouvé de contradicteurs. C'est à peine si M. Ch. Benoist a dit qu'il fallait tout au moins combiner la R. P. avec la représentation des intérêts, la représentation dite organique. On n'a pas, non plus, discuté sur les difficultés pratiques de la R. P.; MM, le chevalier Descamps et Dupriez, de Belgique, et MM. Lefort et Dunand, de Genève, nous ont assuré que ces difficultés, sur lesquelles s'appuient souvent les adversaires de la R. P., n'existent pas. M. Vergnès et G. Picot nous ont décrit les avantages de la R. P., en ce qui concerne l'organisation des partis et la diminution des abstentions. M. Bakaloff, de Bulgarie et M. Philaretos, de Grèce, ont présenté quelques observations générales qui étaient bien plus des vues politiques visant leurs propres pays présentées par des hommes politiques hautement compétents que des critiques dirigées contre la R. P.. Voilà comment la discussion de la R. P. a été close par un panégyrique de la réforme. Jamais en France la R. P. n'avait emporté une victoire morale aussi éclatante. M. Deslandres, à la dernière séance de la section de droit public, et M. Saleilles, à la séance de clôture du 4 août, l'ont constaté aux applaudissements unanimes.

Les travaux du Congrès prirent fin le 4 août. M. Georges Picot, à la séance de clôture, a promis, au nom des congressistes français, aux membres étrangers d'aller dans leurs pays étudier leur législation. En attendant, le Congrès international de droit comparé fera honneur à la grande société française de législation comparée et à ceux qui l'ont organisé ainsi qu'à la science française en général qui, malgré tout, sera toujours le foyer lumineux en législation comme dans les autres branches du savoir humain.

NICOLAS SARIPOLOS

Professeur agrégé de droit constitutionnel
à l'Université d'Athènes

Lauréat et docteur en droit de l'Université de Paris.

Le droit du crieur et le prix marqué des journaux. Quelques journaux de Paris, dont la vente au numéro est particulièrement importante, sont souvent victimes de la part de leurs crieurs de l'abus suivant. Les crieurs qui achètent en gros ces journaux, dont le numéro coûte en général cinq centimes, à des prix variant entre 1 fr. 50, 2 fr. et 2 fr. 50 le cent, vendent quelquefois le numéro au-dessus du prix marqué sur la manchette du journal. Y a-t-il là une pratique légitime? Un de nos collaborateurs a bien voulu recueillir sur ce point, pour en faire profiter la Revue, les avis autorisés de quelques personnalités de la magistrature, du barreau, de l'enseignement du droit. Nous

« PreviousContinue »