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août 1790, et gagnèrent les îles Pélew. Après avoir remis les présens de la compagnie aux chefs, le capitaine MacCluer s'embarqua à bord de la Panthère pour Macao, laissant l'autre vaisseau aux îles Pelew, pour attendre son retour. Quelques insulaires s'offrirent de l'accompagner en Chine, et le capitaine choisit deux hommes et deux femmes. Il les ramena dans ces îles en juin 1791, et le peu de temps qu'il s'y arrêta fut employé à instruire les insulaires dans l'art de traiter et d'élever les animaux qu'il· leur laissoit, et à leur faire connoître l'usage de plusieurs instrumens d'agriculture et d'économie qu'il leur avoit apportés.

Le capitaine quitta ensuite les îles Pelew, pour examiner la côte septentrionale de la Nouvelle-Guinée. Il retourna dans ces îles au commencement de 1793, et c'est alors qu'il exécuta le projet long-temps médité de s'y établir, et de résigner le commandement des deux vaisseaux dans les mains du second capitaine. Peu après, la Panthère quitta les îles Pelew, laissant Mac-Cluer occupé à réaliser le bonheur qu'il s'étoit promis. Au bout de quinze mois, il fut tellement ennuyé de son séjour dans ces îles, qu'il s'embarqua avec six personnes seulement, et arriva à Macao, d'où il envoya une rélation de ses aventures à ses amis en Angleterre. Cette relation étoit datée du 14 juin 1794. Peu de temps après, il retourna pour la dernière fois aux îles Pelew, afin de ramener sa famille et ses biens. Plusieurs insulaires des deux sexes s'embarquèrent avec lui pour Bombay. Ils relâchèrent à Bemorlea, et MacCluer y trouvant une frégate destinée pour Bombay, fit partir quelques personnes de sa famille avec six femmes de Pelew, pour ce port. Quant à lui, il s'embarqua avec quelques autres insulaires à bord de son propre vaisseau, et depuis ce temps, on n'a pas reçu de nouvelles, ni de sa route, ni de ce qu'est devenu son équipage.

S'il pouvoit s'élever quelques doutes sur la véracité du capitaine Mac-Cluer, dans la relation de ses aventures envoyée par lui à ses amis en Angleterre, ils seroient levés

par le récit suivant, qui se trouve dans la relation du voyage de lord Macartney en Chine et en Tartarie (tome 2), rédigé par sir Staunton, et dont j'ai donné précédemment la notice.

« Tandis que l'Indostan étoit séparé du reste de l'es> cadre, il rencontra un petit navire de construction euro>péenne.... c'étoit le brick l'Endeavour, commandé par >> le capitaine Proctor.... Ce bâtiment appartenoit à la com > pagnie des Indes anglaise. Conformément au plan suivi » par cette compagnie, qui, au milieu de ses entreprises > commerciales, s'attache à favoriser les sciences, ce brick » avoit d'abord été employé, sous le commandement du »savant capitaine Mac-Cluer, à faire des découvertes et > des observations sur le grand archipel oriental, compris » dans ce qu'on appelle les mers de la Chine. Le capitaine > Mac-Cluer étoit considéré comme un observateur non » moins actif qu'intelligent. Il avoit déjà visité les îles Pe> lew, ou bien il s'étoit formé une haute idée de leur > climat et de la disposition des habitans, à la lecture de » l'intéressante relation publiée par M. Keate, d'après les > renseignemens fournis par le capitaine Wilson. Décidé » à chercher aux iles Pelew le bonheur qu'il considéroit, > sans doute, comme plus difficile à atteindre dans une » société plus nombreuse et plus compliquée, mais plus ❤ corrompue, le capitaine Mac-Cluer s'occupa long-temps » de son projet, et se pourvut de tout ce qui pouvoit lui »élre nécessaire pour son nouvel asyle. En y arrivant, it » céda le commandement de son vaisseau au second capi»taine, et écrivit aux agens de la compagnie, pour leur > rendre compte du parti qu'il prenoit. Il leur dit, entre » autres raisons, qu'il ne se déterminoit à ce parti, que parce qu'il vouloit se distinguer par une conduite dont > on avoit donné jusque-là peu d'exemples.

» Les habitans des îles Pelew l'accueillirent avec joie et » avec des distinctions honorables. Ils lui offrirent en même temps de lui donner une grande autorité parmi eux; » ce qu'il refusa, se contentant d'une petite portion de

» terre pour la cultiver, et aimant mieux se rendre utile » à la patrie qu'il adoptoit, par les avis que la supériorité » de ses connoissances le mettoit en état de lui donner, » que d'y exercer aucune sorte de commandement. Une » telle conduite étoit certainement plus propre à lui con»cilier l'attachement constant des insulaires, que l'usur» pation d'un pouvoir qui, avec le temps, n'eût pas man» qué d'exciter de la jalousie et du mécontentement. Ce» pendant il n'est pas sûr que quelque accident ne trouble >> l'harmonie qui subsiste à présent entre lui et la race hos»pitalière des habitans des îles Pelew, et qu'il ne change >> pas lui-même de disposition, et ne reprenne ces affections » qui altachent la plupart des hommes à leurs anciens amis »el à leurs habitudes premières,

» Le capitaine Proctor confirma, à beaucoup d'égards, » l'éloge que le capitaine Wilson a fait des iles Pelew. Loin d'avoir de la férocité dans le caractère, et de voir » les étrangers avec horreur, les habitans de ces îles ac» cueillent avec la plus grande bienveillance ceux qui » viennent parmi eux, et admettent quelques-uns des >> principaux au nombre de leur noblesse, ainsi que l'ont » éprouvé le capitaine Wilson et le capitaine Proctor. Le » dernier, qui a vu quelques parties de la Nouvelle-Guinée, » où les étrangers sont, au contraire, traités avec inhuma→ » nité, attribue une conduite si différente à un esprit de >> ressentiment, excité par des actes de trahison et de cruauté » que se sont sans doute permis quelques aventuriers qui » ont abordé sur cette côte; et il ne pense pas que le carac» tère de ses habitans soit naturellement méchant ».

ISLES MARIANNES.

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HISTOIRE des îles Mariannes, nouvellement converties à la religion chrétienne, et de la mort glorieuse des premiers missionnaires qui y ont prêché la foi; par le P. Le Gobien, de la Compagnie de Jésus. Paris, Popre, 1700, in-12.

Quoiqu'une grande partie de cette relation soit consacrée à retracer les premiers succès et la catastrophe ultérieure des missionnaires dans les îles Mariannes, elle est néanmoins très-précieuse à d'autres égards, parce qu'elle nous donne de l'ancien état de ces îles (1), des idées plus justes, quoiqu'assez resserrées, que la relation du P. Le Clain, missionnaire, qu'on trouve dans l'Histoire générale des Voyages.

Π

Les îles Mariannes, qui forment l'archipel de SaintLazare, sont connues encore sous le nom d'iles des Larrons, que, lors de leur découverte, Magellan leur donna, pour quelques vols assez légers qu'y essuya ce célèbre navigateur (2). Il y constata, ce qui n'avoit pas encore été observé chez les peuples même les plus sauvages, que l'élément du feu étoit absolument inconnu aux habitans de ces fles. La première fois qu'ils virent du feu, ils le prirent pour un animal.

Les iles Mariannes sont au nombre de quatorze, dont quelques-unes ont depuis treize jusqu'à quarante lieues de tour. L'origine de leurs habitans est fort incertaine. Les uns la rapportent au Japon, parce qu'ils ont beaucoup de rapports avec les Japonais, par l'importance qu'ils attachent à la noblesse, et par la fierté qu'affecte cette classe. D'autres les font sortir des Philippines, attendu la conformité de leurs traits, de leur langue, de leurs coutumes, de leur gouvernement, avec les habitans de ces dernières fles.

Les îles Mariannes sont fort peuplées. On compte plus de trente mille habitans dans l'ile de Guahan, qui, à la

(1) Tout ce qu'on va lire n'est applicable qu'à l'état où étoient ces îles lors de leur découverte, ou dans les temps très-voisins de cette découverte.

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(2) C'est lui qui d'abord, avant ce petit événement, avoit appelé Archipel de Saint-Lazura, ce groupe d'iles elles ne prirent le nom d'iles Mariannes qu'à l'époque où la reine Marie-Anne d'Autriche y envoya des missionnaires pour y prêcher l'évangile.

vérité, est la plus grande de ces îles, et à laquelle on donne quarante lieues de circuit.

Le P. Le Gobien nous dépeint les habitans de ces îles comme d'une taille haute et bien proportionnée, plus robustes que les Européens, quoiqu'ils vivent d'une manière très-frugale, et précisément peut-être en raison de ce genre-là même de vie. La plupart parviennent à une extrême vieillesse sans avoir été malades. Lorsqu'ils le deviennent, ils se guérissent assez aisément avec des herbes dont ils connoissent les vertus. Les femmes font consister leur beauté à avoir les dents noires et les cheveux blancs. Pour se procurer ce double agrément, elles emploient certaines plantes et des eaux préparées à cet effet.

A ces traits du caractère physique des habitans des îles Mariannes, le P. Le Gobien en ajoute qui font honneur à leur caractère moral. Ils ont en horreur l'homicide et le farcin. Bien loin d'être enclins au vol, comme Magellan le soupçonna, ils sont de si bonne-foi, au moins entre eux, qu'ils laissent impunément leurs maisons ouvertes le jour et la nuit. Ils sont naturellement libéraux et secourables. Les Espagnols l'éprouvèrent en 1650, lors du fameux naufrage du vaisseau la Conception. Il n'y eut sorte de bons traitemens que n'aient éprouvés de leur part ceux des naufragés qui eurent le bonheur de se sauver.

Ces insulaires sont divisés en trois classes, la noblesse, le peuple et les gens d'une condition médiocre. La noblesse tient le peuple dans un abaissement porté à un tel point, que c'est une infamie pour un noble et pour sa famille de s'allier avec une fille du peuple. C'est un crime pour ceux de cette dernière classe, d'approcher de la personne ou de la maison d'un noble. La noblesse possède des terres qui, comme nos anciens fiefs, sont héréditaires. Par une cou¬ tume bizarre, ce ne sont point ses enfans qui succèdent à un noble, ce sont ses frères et ses neveux, qui alors prennent son nom ou celui du chef de la famille.

La noblesse la plus respectée, est celle de la ville d'Agada, capitalé de l'île de Guahan. Elle est assez nom

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