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cocq avoit inséré quelques morceaux de celui de Timberlake: : on doit lui savoir gré d'avoir donné la traduction entière d'une relation qui donne de grandes lumières sur les Cherokées, l'une des peuplades les plus remarquables de l'Amérique septentrionale. A la fin de ce Voyage, il a placé la traduction en vers du chant de guerre de cette nation, dont il avoit donné la traduction en prose dans la préface'du Voyage de Le Long. Ces traductions, et surtout la dernière, montrent avec quelle énergie d'expression les Sauvages savent rendre les grands effets de la nature et les fortes émotions de l'ame.

VOYAGE de Mont-Réal sur les rives du fleuve Saint-Laurent, et dans le continent de l'Amérique septentrionale, à travers les glaces de l'océan Pacifique, durant les années de 1789 à 1793, par Alexandre Makensie: (en anglais) Voyage from Mont-Real, on the Rivers-Laurenca, through to continent of North-America, in the frozewand PacificOcean, in the years 1789 and 1793, by Alex. Makensie Londres, Castel et Davier, 1801, in-4°.

Ce Voyage a été traduit en français sous le titre suivant : VOYAGES d'Alexandre Makensie dans l'intérieur de l'Amérique septentrionale, fait en 1789, 1792 et 1793; le premier, de Mont-Réal au fort Chipayan et à la baie Glaciale; le second, du fort Chipayan jusqu'aux bords de l'océan Pacifique; précédés d'un tableau historique et politique sur le commerce des pelleteries dans le Canada; traduits de l'anglais par J. Castera, avec des notes, et . un itinéraire tiré des papiers du vice-amiral Bougainville, enrichi de trois grandes cartes. Paris, Dentu, an x-1802, 3 vol. in-8°.

Cette relation, très-intéressante d'abord par les renseignemens géographiques et commerciaux qu'elle renferme, l'est encore par la courageuse persévérance qu'a mise le voyageur dans ses excursions.

En déclarant, dans la narration de son premier voyage, qu'il n'avoit pas pu trouver de passage au nord-ouest, Makensie paroît persuadé que ce passage tant de fois cherché, et qui a donné lieu à tant de discussions, n'existe réellement pas. C'est en conséquence que dans son second voyage, il s'est attaché à chercher une communication commerciale entre les deux mers par les fleuves et par les lacs: la possibilité de cette communication lui paroît aussi démontrée, que les grands avantages qu'on en tíreroit pour le commerce des pelleteries dans le Canada. Un tableau historique de ce commerce, 'sert d'introduction à son Voyage: il y observe que la plus grande partie de ces pelleteries passe en Angleterre et en Chine.

A la tête de ce tableau, Makensie a placé quelques réflexions très-judicieuses sur la marche qu'on prit originairement pour traiter avec les Sauvages, et étendre le commerce des pelleteries: il y juge, avec autant d'impartialité que de philosophie, la conduite des missionnaires dans cette partie de l'Amérique.

Il est un fait, dit-il, dont il ne s'occupera pas à chercher la cause, mais que l'expérience a prouvé; c'est qu'il faut beaucoup moins de temps aux hommes civilisés pour s'abandonner à la vie sauvage, qu'il n'en faut aux sauvages pour passer à l'état de civilisation. Les colons canadiens qui suivirent les chasseurs et allèrent trafiquer dans l'intérieur des terres, offrent un exemple frappant de cette vérité. Les moeurs et les habitudes des Sauvages leur plurent tellement, que renonçant à leur première manière de vivre, ils se fixèrent parmi eux.... Après avoir construit un canot d'écorce de bouleau, ils y embarquoient leurs marchandises, et accompagnoient les chasseurs sauvages. Ces voyages duroient jusqu'à douze à quinze mois, au bout desquels ces coureurs de bois (c'est le nom qu'on leur

donnoit) revenoient avec de riches cargaisons de pelleteries, et suivis par un grand nombre de Sauvages.

Pendant le peu de temps que ces hommes restoient dans les villes, pour régler leurs comptes et se procurer des marchandises, ils vivoient communément avec une extrême prodigalité.... En passant un mois sur quinze dans le luxe et la dissipation, leur but étoit atteint, et ils se croyoient assez récompensés de leurs travaux. L'espèce d'éloignement qu'avoient ces coureurs de bois à conserver ce qu'ils gagnoient, et le plaisir de vivre sans aucune contrainte, enfantèrent bientôt chez eux une licence de moeurs qui excita les plaintes des missionnaires. Ceux-ci observoient avec douleur, qu'en s'abstenant de remplir les devoirs du christianisme, de tels hommes le déshonoroient aux yeux des naturels qui l'avoient embrassé. Ils obtinrent que désormais aucun colon ne pourroit aller trafiquer avec les Sauvages, sans une permission du gouvernement.... Les permissions ayant été le plus souvent accordées par la faveur à gens qui ne pouvoient pas en faire usage, el rétrocédées par eux aux coureurs de bois, ceux-ci redevinrent l'objet des clameurs bien fondées des missionnaires.... Mais enfin la construction de plusieurs forts à la jonction des grands lacs du Canada, arrêta en partie ces désordres: alors des hommes estimables qui s'étoient retirés du service, et qui avoient obtenu des permissions pour faire la traite des pelleteries, sé livrèrent à ce négoce avec non moins d'honnêteté que d'intelligence: ils allèrent souvent trafiquer si loin des côtés et des principaux établissemens de la colonie, qu'on rangea leurs expéditions parmi les efforts les plus étonnans qu'ait jamais enfantés le génie du commerce. Ces colons, agissant toujours d'accord avec les missionnaires, surent s'attirer le respect des Sauvages.... Quant aux missionnaires, si le courage, la constance et le dévouement méritent notre admiration, certes, ils ont bien droit d'y prétendre par les incroyables fatigues qu'ils essuyèrent, par les dangers sans cesse renaissans qu'ils bravèrent; mais le succès ne couronna pas

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leurs efforts, puisqu'à peine trouve-t-on encore au-delà des territoires que cultivent les Européens dans le Canada, quelques traces des travaux apostoliques de ces religieux. Ce malheur doit être attribué à la manière dont ils s'y prirent pour étendre la foi.... Ils adoptèrent les moeurs des nations qu'ils vouloient convertir, et en se mettant ainsi dans leur dépendance, ils devinrent l'objet, non de leur vénération, mais de leur mépris.... Avec plus de connoissance du cœur humain, ils auroient commencé leur ouvrage en enseignant aux Sauvages quelques-uns des arts utiles qui sont une introduction à la science, et qui conduisent par degrés aux idées d'une conception plus difficile. L'agriculture, si propre à former le lien des sociétés, étoit la première chose à laquelle il falloit accoutumer les naturels du Canada. Non-seulement elle fixe les peuplades dans les endroits où elle leur procure les moyens de subsister; mais elle leur donne une idée de la propriété et d'une possession durable, bien plus avantageuse sans doute que les espérances incertaines de la chasse et les productions éphémères des arbustes sauvages et des terres incultes. C'est, grace à un art si nécessaire et si facile, que les forêts du Paraguai se sont changées, sous la direction des jésuites espagnols, missionnaires, sinon plus zélés, du moins plus habiles que ceux du Canada (1), en champs fertiles et bien cultivés, et que leurs sauvages habitans ont appris à connoître tous les avantages de la civilisation.... En s'écartant de cette marche, il est arrivé que la lumière de l'évangile étant tout-à-coup apportée à plus de mille lieues de distance des établissemens européens, fut bientôt sans éclat au milieu de l'épais nuage d'ignorance qui obscurcissoit l'esprit humain dans ces contrées lointaines. J'ai souvent parcouru, dit Makensie, les pays où étoient les missionnaires, et je peux assurer que leur souvenir ne s'est conservé que parmi quelques vieux

(1) Ces mots en caractères italiques ne sont pas dans le tableau dont je donne ici l'extrait.

colons qui y étoient déjà établis, lorsqu'en 1763 la concession en fut faite aux Anglais. Mais s'ils ont vainement prêché la foi aux Sauvages, ils se sont, au moins pendant leur mission, rendus très-utiles à ceux qui faisoient le commerce des pelleteries. Dès les premiers temps qu'ils pénétrèrent dans le Canada, ils parvinrent à empêcher de vendre aux Sauvages les liqueurs spiritueuses; réglement très-sage qui malheureusement ne subsiste plus, parce que ceux qui faisoient le commerce des pelleteries trouvèrent le moyen de l'éluder, en feignant de faire présent aux Sauvages des liqueurs qu'il ne leur étoit pas permis de leur vendre.

Dans le surplus du tableau, Makensie trace les progrès du commerce des pelleteries: la nature et les bornes de mon ouvrage ne me permettent pas de l'y suivre.

Ses deux voyages ne sont qu'un récit détaillé, et qui n'est pas dénué d'intérêt, des fatigues et des dangers qu'entraîne la traite, et des obstacles sans nombre contre lesquels il eut lui-même à futter dans ses excursions. Lors de son premier voyage, il s'avança vers la mer, et il ne revint au point d'où il étoit parti, qu'après cent deux jours d'absence, durant lesquels le mécontentement de sa petite troupe, ou fatiguée, ou inquiète, doubla pour lui les périls et les difficultés de la route. Quoique Makensie ne se soit occupé ni de l'histoire naturelle, où, de son aveu, il n'étoit pas initié, ni spécialement même d'observations sur les peuplades sauvages qu'il a visitées, on peut néanmoins recueillir de sa narration quelques traits intéressans sur cette espèce d'hommes qui suit les simples loix de la nature, et qui, par cela même, doit paroître extraordinaire aux nations policées.

De toutes les peuplades américaines avec lesquelles le voyageur a communiqué, celles qui ont le plus fixé son attention, ce sont les Kinstenaux et les Chipoyans. Les premiers, répandus sur une vaste partie du continent de l'Amérique septentrionale, ont un idiôme et des usages communs avec les nations qui habitent les contrées limi→

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