tier, dont on distingue trois espèces; et le rima, plus connu aujourd'hui sous le nom d'arbre à pain. Les rivières de Guahan, qui ne sont que des ruisseaux ou des torrens, abondent en poissons excellens, dont les Indiens ne font point usage, parce qu'ils préfèrent le poisson de mer, quoique très-inférieur en général à celui d'eau douce. Avant l'arrivée de M. Tobias dans l'ile, les Indiens ne s'étoient livrés à aucune culture importante. Ce commandant y a établi des cultures de riz, de maïs, d'indigo, de coton, de cacao, de cannes à sucre, qui toutes ont bien réussi. Celle du maïs sur-tout, avec la farine duquel les Indiens font du pain, est d'un produit incroyable. Il a formé des fabriques de toiles de coton et fait creuser des salines. Pour faciliter les travaux de la culture, le gouvernement, sous son inspection, a fait transporter d'Acapulco à Guahan, des chevaux, des ânes et des mulets. On a appris aux Indiens à dompter les boeufs, à les employer aux charrois: comme l'espèce est grande et forte, ils ont formé de beaux attelages. Le commandant ne s'est pas borné à ces objets agricoles et économiques; il a établi, pour les enfans des Indiens, une école publique et gratuite, où on leur apprend à lire, à écrire, l'arithmétique et la musique, tant vocale qu'instrumentale. Il a formé une milice indienne de deux cents hommes qui sont en uniforme et bien payés: on les a maintenus dans l'état de cultivateurs, sans rien déroger au service courant. En acquérant, par la civilisation, de nouvelles connoissances, les insulaires de Guahan' ont parfaitement conservé l'art qu'ils tiennent de leurs ancêtres pour la construction de leurs pros ou bateaux: ils n'avoient rien à acquérir dans cette partie. Ces insulaires sont tels que les a dépeints Magellan, laids, noirs, de petite taille, la plupart galeux, quoiqu'ils se baignent continuellement, Leurs femmes, au contraire, sont belles et bien faites en géné– ral. Par la civilisation, ce petit peuple est devenu doux, honnête et hospitalier. LES CAROLINES. La découverte de ces îles, dont le groupe forme peutêtre la chaîne d'îles la plus étendue de tout l'océan Paci fique, ne remonte qu'à l'année 1686, où l'une de ces fles fut apperçue pour la première fois par l'équipage du vaisseau des Philippines que commandoit D. Francesco Lazeano: elle fut nommée la Caroline, du nom de Charles 11, roi d'Espagne, et le même nom fut donné à toutes les îles du même groupe, dont on eut connoissance dans la suite. Le peu de notions qu'on a sur ces îles, sont tirées des Lettres des Missionnaires, dont le P. de Brosses a donné de bons extraits dans son Supplément, que j'ai déjà cité plusieurs fois en voici le rapide apperçu. Au rapport de quelques habitans de ces îles, jetés par un naufrage à l'une des îles Mariannes, elles sont au nombre de trente-deux, et sont très-peuplées. Pour les traits et la couleur du visage, leurs habitans ont beaucoup de ressemblance avec ceux des Philippines. Les hommes se tracent sur le corps différentes lignes, mais les femmes et les enfans n'en ont point. Une ceinture leur couvre les reins et les cuisses, et fait plusieurs tours à l'entour du corps. Plus d'une aune et demie de grosse toile jetée sur les épaules, forme une espèce de capuchon lié par devant, et qui pend négligemment par derrière. Les hommes et les femmes sont habillés de même, à quelques légères nuances près. L'usage des vêtemens dans ces îles annonce un certain degré de civilisation. La langue des habitans des Carolines diffère de celle qu'on parle aux Philippines et même aux îles Mariannes. La manière de prononcer rappelle la prononciation des Arabes peut-être pourroit-on en inférer qu'elles ont été visitées par ce peuple qui s'est répandu dans tant de cone trées. La plus considérable de ces îles est celle de Lamarrer, où le roi de toutes les îles fait sa résidence. Les chefs des habitations répandues dans les autres îles lui sont soumis. Le peuple paroît être fort façonné à l'obéissance, A en juger par la manière de vivre de quelques-uns de ces insulaires naufragés, la principale nourriture de leurs compatriotes est le poisson; leur boisson, l'eau pure. On put juger par l'effroi que leur causèrent la vue de quelques vaches qui paissoient paisiblement dans une prairie, et l'aboiement d'un petit chien dans une maison, que leurs îles ne renferment aucuns quadrupèdes. On présuma aussi qu'à l'exception des poules qui leur servent d'aliment, mais dont ils ne mangent pas les oeufs, ils ne connoissent chez eux que des oiseaux de mer. Ces insulaires parurent n'avoir aucune notion d'une Divinité suprême, et n'honorer d'aucun culte des idoles: l'île d'Iap, qui tient le second rang parmi ces îles, présente une exception à l'indifférence généralement répandue chez eux en matière de religion : ses habitans adorent une espèce de crocodile, et ils ont des magiciens. La généralité néanmoins des insulaires croit à des esprits célestes qui viennent, disent-ils, se baigner dans un lac sacré de l'île Fallalo. Ils admettent aussi un lieu où les gens de bien seront récompensés et les méchans punis. Le respect pour les morts, dans ces îles, tient uniquement au rang qu'ils ont occupé pendant leur vie, ou à l'attachement particulier qu'ils ont inspiré. Dans ces deux cas-là seulement, on leur fait, à la manière du pays, de magnifiques obsèques qu'on célèbre aussi par de grandes démonstrations de douleur. Quant aux personnes du commun, et celles encore pour qui l'on n'avoit que de l'indifférence, on jette leurs cadavres le plus loin qu'on peut dans la mer, pour y servir de pâture aux baleines et à d'autres poissons. De la circonstance que le chef de l'île Hogolen, l'une des plus considérables des îles Carolines, avoit jusqu'à neuf femmes, on put inférer que la-polygamie est d'un usage commun dans ces îles. On y aime beaucoup la danse, qu'on y accompagne seulement par des chants; car on n'y connoît aucun instrument de musique. Les armes des insulaires se réduisent à une simple lance. Deux singula rités très-remarquables ont été recueillies sur ces îles: la première, c'est qu'on y apperçut des esclaves nègres; la seconde, c'est que vingt-neuf Espagnols, abandonnés dans l'une de ces îles, y ont produit une race métisse qui s'est répandue dans une autre île. La punition des délits, aux Carolines, n'a rien de sévère : elle consiste dans la déportation du lieu où ils ont été commis dans un autre. ISLES SANDWICH. On doit la découverte des îles Sandwich à Cook, qui, par un sentiment de reconnoissance, les appela du nom du comte de Sandwich son patron. Par une fatalité singulière, ces îles qu'il a fait, en quelque manière, sortir du néant pour l'Europe, sont devenues, comme on l'a vu dans la notice que j'ai donnée de ses Voyages, le tombeau de ce célèbre navigateur. C'est à Owhyhée, la plus considérable des douze îles qui forment ce petit archipel, qu'il fut massacré. Elles ont été depuis visitées par Vancouver et par l'infortuné La Peyrouse, ainsi qu'il résulte de la relation qu'on nous a donnée de ses excursions, avant qu'on eût tout-à-fait perdu sa trace: elles l'ont été enfin plus récemment encore par d'Entrecasteaux, dont M. de la Billardière a publié, avec tant de talent, l'expédition dans la Relation du voyage à la recherche de la Peyrouse : j'ai donné l'apperçu de tous ces Voyages ( première Partie, section VI, §. II). C'est dans ces relations seulement que, jusqu'à ces derniers temps, on pourroit s'instruire sur l'état physique des îles Sandwich et sur le caractère de leurs habitans, puisque nous n'avons aucune relation particulière à ces îles. J'ai rapidement extrait des sources que je viens d'indiquer, les renseignemens sui vans. La température des îles Sandwich est moins brûlante que celle des autres îles de la Polynésie, situées sous la même latitude. L'île d'Owhyhée en particulier doit cet avantage aux pluies qui arrosent l'intérieur de l'île, et à VI. A a une brise régulière de terre et de mer. C'est la plus grande île de la Polynésie : elle a 85 milles de long. Comme dans toutes les autres îles, les quadrupèdes sont rares aux îles Sandwich: on n'y connoît que les sangliers, les cochons, les chiens et les rats. Les oiseaux, au contraire, y sont assez multipliés. La nature a enrichi ces îles de deux productions précieuses: l'arbre à pain, qui y donne une assez grande quantité de fruits; et les cannes à sucre, qui y acquièrent une grosseur extraordinaire. Les habitans de ces îles, avec une chevelure quelquefois bouclée comme celle des Européens, ont le bout du nez aplati. Cette petite difformité n'est peut-être pas l'ouvrage de la nature: elle résulte probablement de l'usage où ils sont de toucher avec le nez celui de la personne qu'ils saluent. Le tatouage est usité chez eux, comme chez les autres insulaires de la Polynésie. Leur vêtement n'est autre chose qu'une pièce d'étoffe large d'un pied, qui passe entre les cuisses et se rattache derrière les reins : ils y ajoutent, quand ils vont au combat, une natte épaisse, artistement travaillée, qui leur sert de bouclier. Dans les jours de cérémonie, les chefs se décorent d'un manteau dont le fond est un réseau sur lequel sont comme tissues des plumes rouges et jaunes, rapprochées avec un tel art, qu'elles ont toute l'apparence d'un velours moelleux et lustré. Un léger manteau forme tout le vêtement des femmes. A la différence des hommes qui se rasent les cheveux des deux côtés de la tête, et qui n'en laissent subsister qu'une bande étroite, les femmes coupent les leurs par-derrière, et les relèvent par-devant. La nourriture des classes inférieures se borne aux poissons, aux ignames, aux plantains, aux cannes à sucre. La chair du sanglier et celle du chien est réservée pour les premières classes. Ces insulaires ont de la douceur dans leurs manières et de la bienveillance dans leurs affections: on ne doit rien conclure de fâcheux contre leur moralité, de l'assassinat du célèbre Cook: ce fut l'effet d'une vengeance provoquée par |