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- Le même, ibid. Haude et Spener, 1801 in-8°.

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Ce Voyage a été traduit aussi en français sous un titre qui n'indique qu'une partie des pays visités par le voyageur.

VOYAGE au Canada, pendant les années 1795, 96 et 97, par Jean Weld; ouvrage traduit de l'anglais, et enrichi d'une carte générale du pays, et de onze planches offrant les points de vue les plus remarquables, et notamment le fameux saut de Niagara. Paris, Le Petit jeune, 1800, 3 vol. in-8°.

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C'est en 1795 que M. Weld, voyant les troubles de l'Irlande, sa patrie, prendre un caractère inquiétant, s'est déterminé à passer aux Etats-Unis et au Canada, pour examiner quelles ressources l'Amérique septentrionale pouvoit offrir à ceux que leur mauvaise fortune obligeroit de quitter leur pays natal. C'est à Philadelphie qu'il débarqua: il ne donne pas de cette ville une idée aussi avantatageuse que beaucoup d'autres voyageurs. Les dehors en sont imposans: mais lorsqu'on y entre, on ne voit qu'un amas confus de magasins construits en bois; les quais, fort commodes pour l'embarcation des marchandises, sont de la même construction. Derrière ces quais, règne une longue rue qui se prolonge parallèlement à la rivière, et qui n'a pas trente pieds de large. Derrière les maisons situées du côté le plus éloigné de l'eau, s'élève une haute colline qui intercepte l'air. Cet inconvénient est aggravé par les odeurs fétides qui s'exhalent des immondices de la boue dont cette rue est couverte, et dont sont remplies quelques-unes des maisons où il y a peu d'habitans. Ce méphitisme est si fort, que le voyageur regardoit comme dangereux de passer dans cette rue. C'est là, dit-il, que prit naissance cette fièvre jaune pestilentielle qui, en 1793, fit de si terribles ravages, et si souvent répétés depuis, non

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seulement à Philadelphie, mais dans plusieurs autres parties des Etats-Unis, et même au-delà. Le voyageur s'étonne avec raison que les habitans n'aient pris aucunes précautions pour purifier l'air empesté qu'on respire dans la rue dont il s'agit.

Autant dans les anciens quartiers de Philadelphie les rues sont petites, sales et infectes, et les maisons qu'elles renferment mal construites et peu aérées, autant dans les nouveaux quartiers régne une propreté remarquable. A l'élégance de la construction, les maisons réunissent l'avantage d'une grande circulation de l'air, et d'une distribution faite avec beaucoup d'intelligence. Philadelphie néanmoins ne renferme pas plus de cinq à six édifices publics qui puissent mériter l'attention. De ce nombre, sont l'église presbytérienne, le palais des Etats-Unis, l'hôtel de leur président, qui, depuis le changement du siége du gouvernement, recevront une autre destination : tels sont encore l'hôpital, les maisons de travail et de correction, la prison. Ces derniers établissemens ne brillent pas même par l'élégance de leur architecture extérieure ; mais ils sont remarquables par l'heureuse entente de la distribution intérieure, et par l'excellence du régime. La prison sur-touf frappa singulièrement le voyageur. Il n'estime pas qu'il en existe nulle part aucune qui soit si sagement administrée. D'après les nouvelles loix pénales publiées dans la Pensylvanie, aucun crime n'est puni de mort, excepté l'assassinat commis avec préméditation, ou pour favoriser l'exécution d'un rapt ou d'un vol. Tout autre crime n'est puni que par un emprisonnement solitaire, dont la durée est proportionnée à l'énormité du crime: il faut voir dans la relation même, le mode et les bons effets de cette institution.

Le voyageur se plaint vivement de la grossièreté de la basse classe du peuple en Amérique, sur-tout à Philadelphie. Il semble, dit-il, qu'elle croie l'observation des plus simples égards envers les étrangers, incompatible avec la liberté : ceci ne regarde que les habitans des villes. A ceux

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de la campagne, il reproche une importune et vaine curiosité, qui les porte à accabler de questions les étrangers.

Le choix de l'emplacement de la ville où devoit s'assembler le congrès, a paru à M. Weld très-heureux, en ce que cet emplacement est aussi central qu'il le pouvoit être par rapport à tous les Etats-Unis, et que cette nouvelle ville fédérale, qui s'élevoit de son temps sur les bords de la Patownac dans la Virginie, sera très-avantageusement située pour le commerce, sans lequel aucune cité ne peut s'élever à un haut degré de splendeur et de population.

En traversant la Pensylvanie, il fut frappé de la manière misérable dont vivent les fermiers. Il ne sait s'il faut l'attribuer à leur sobriété naturelle ou à leur économie : on pourroit peut-être l'expliquer par ce qu'il observe luimême sur la modicité du produit de la terre. Le cultivateur américain ne retire pas, dit-il, de deux cents acres de terre, ce qu'en Angleterre un fermier intelligent retire de cinquante acres seulement. De cette observation, il résulte que dans la Pensylvanie, les frais de culture doivent être considérables, tandis que les produits sont médiocres. M. Weld a remarqué dans l'isthme septentrional et dans les parties basses de la Virginie, une disparité de conditions inconnue dans toutes les autres parties des Etats-Unis, si ce n'est peut-être dans les grandes villes. Des propriétés territoriales d'une étendue immense sont entre les mains d'un petit nombre d'individus qui en retirent des revenus considérables, tandis que la généralité du peuple est dans la médiocrité. La plupart des grands propriétaires reçoivent une éducation très-soignée, et les autres n'en ayant aucune, l'inégalité devient toujours plus

sensible.

Il existe dans la Virginie une loi très-préjudiciable au commerce, c'est celle qui rend inviolable toute propriété territoriale. Aussi long-temps qu'elle existera, les étrangers craindront de faire crédit à des gens qui peuvent émployer le produit des marchandises qu'on leur aura con

fiées, à acheter une terre que leurs créanciers ne pourront pas faire saisir. Une des plus grandes richesses du pays, consiste dans la culture du tabac; mais elle ne tarderoit pas à décroître, si l'on continuoit à ruiner le sol par la pernicieuse méthode de cultiver toujours en tabac la même pièce de terre, jusqu'à ce qu'on en ait entièrement épuisé les sucs nourriciers: mais quelques planteurs intelligens n'exigent plus qu'une seule récolte de tabac sur une terre neuve ; ils y sèment ensuite du blé deux années de suite, puis du trèfle ; et ils ont soin d'amender la terre': les bons effets de ce procédé ouvriront les yeux aux autres cultivateurs.

Dans les montagnes qui forment la lisière de la HauteVirginie, on a fait jusqu'à présent des tentatives infruc tueuses pour améliorer la vigne, ou plutôt pour lui donner toute la perfection dont elle peut être susceptible : M. Weld estime qu'avec le temps on pourra y parvenir. C'est une chose assez remarquable, que dans cette partie de l'Amérique, les montagnes, qui y sont très - multipliées, n'atteignent pas même le degré d'élévation qu'ont quelques-unes du pays de Galles en Angleterre (1). Dans ces montagnes, le serpent à sonnettes est très-commun; mais comme il n'attaque jamais quiconque ne l'excite pas, quoiqu'il ne se détourne point pour éviter la rencontre des hommes, il est rare qu'on en soit mordu: il n'en est pas de même du serpent cuivré, qui n'avertit pas de son approche comme l'autre. Quoique son venin soit moins. subtil, il devient mortel, si l'on n'est pas secouru à temps.

Le voyageur s'étend avec complaisance sur le caractère physique et moral des habitans de ces montagnes. Les hommes ont l'air de la force et de la santé : ils sont francs, ouverts et hospitaliers; mais on peut leur reprocher un

(1) Cette circonstance, réunie à tant d'autres, ne prouvet-elle pas que les eaux qui couvrirent la surface du globe lors de la révolution diluvienne, ont dû plus long-temps submerger l'Amérique septentrionale que les terres de l'ancien continent?

penchant à s'enivrer, trop favorisé par l'abondance d'eaude-vie, qu'à peu de frais leur procure la grande quantité de pêches qu'ils récoltent. Le bon marché de toutes les choses nécessaires à la vie, contribue aussi à les rendre indolens et dissipés. Leurs femmes ont, comme eux, beaucoup de goût pour les plaisirs; elles ont, au reste, les plus belles formes, la plus belle peau, la manière de se vêtir la plus séduisante; et dans leur jeunesse, elles pourroient aux peintres fournir des modèles de fraîcheur et de beauté.

M. Weld ne fait pas le même éloge des autres habitans de la Virginie. La passion du jeu dans les villes, celle des combats de coqs à la campagne, sont l'amusement favori des personnes au-dessus du commun : quant aux gens du peuple, ils sont excessivement querelleurs, et quand ils en viennent aux mains, ils se battent comme les animaux. « Il n'est pas rare, dit-il, de rencontrer dans ce >> pays des hommes qui ont perdu un oeil dans les com» bats; et il y a des gens qui se vantent de leur adresse à >> en arracher un.... Ces misérables ont encore une cou» lume plus affreuse que celle-ci : ils s'efforcent aussi d'ar>> racher les testicules à celui qu'ils combattent. En tra» versant la Virginie et le Maryland, j'entendis parler, >> quatre ou cinq fois, d'hommes retenus au lit par suite des » blessures qu'ils avoient reçues dans un combat de ce » genre. Des personnes dignes de foi m'ont assuré que » dans la Géorgie et la Caroline, les gens du peuple sont >> encore plus inhumains ; et que dans quelques parties de >>ces Etats, sur quatre hommes, il y en a toujours un à » qui il manque un œil ».

Dans tous les jugemens que porte M. Weld sur les habitans des Etats-Unis, on entrevoit les traces du ressentiment qu'a laissé dans le coeur des Anglais la séparation. de ces colonies d'avec la mère-patrie : il ne faut donc en général adopter ces remarques qu'avec une extrême réserve. La description qu'il fait du pays, paroît mériter, au contraire, une confiance entière, et il y développe un

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