Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

talent distingué. Sa plume décrit les différens sites et les divers accidens de la nature; avec son crayon, il les a fidèlement dessinés. Le tableau qu'il trace, soit des grandes chutes d'eau de la rivière de Pathownac, qui se précipite, par différens sauts, d'une élévation de soixante et un pieds, soit du pont de roche (1), soit des beaux paysages de la Virginie, annonce un homme exercé à traiter le genre descriptif. Son Voyage dans une partie des Etats-Unis est terminé par des observations curieuses sur les étonnantes variations de l'atmosphère dans les Etats-Unis, et sur-tout dans la Pensylvanie: elles sont telles, que dans ce dernier pays, on a vu le thermomètre de Farenheit varier de cinquante degrés dans les vingt-quatre heures.

En entrant dans le Haut-Canada par le lac Champlain, M. Weld trouva établies des précautions très-sévères à l'égard des étrangers: elles sont la suite de la défiance que le gouvernement anglais a conçue pour les Américains. Il fut singulièrement frappé du contraste qu'offre le Canada avec les Etats-Unis: il résulte sur-tout de la différence du costume, de la propreté et de la solidité des maisons, de la multitude des calèches qu'on rencontre sur les routes, des crucifix qui y sont très-multipliés, du grand nombre d'églises et de couvens des deux sexes, de la multitude de prêtres et de religieux, de la différence enfin d'idiôme, .qui, généralement dans le Canada, est la langue française.

L'extraordinaire beauté du paysage dans les environs de Montréal, ajoute au sentiment de la surprise, celui de l'en

(1) Ce pont, l'ouvrage sublime de la nature, est ainsi nommé, parce que c'est, dans le fond d'un abîme, un rocher qui joint les parois de deux hautes montagnes. Par un travail de plusieurs siècles sans doute, un ruisseau a percé cette masse épaisse de quarante pieds environ. Ce ruisseau coule aujourd'hui sous une voûte qui a cent cinquante pieds d'ouverture, et deux cents pieds d'élévation. On en trouvera la description plus détaillée, non-seulement dans le Voyage même de M. Weld, mais dans celui de Châtellux, et dans les notes sur la Virginie, de M. Jefferson.

chantement. Les habitans de cette ville, dont les deux tiers sont Français, et dont l'autre tiers est composé d'individus originaires de la Grande-Bretagne, tous négocians du premier ordre ou agens du gouvernement, ont paru à M. Weld, sans aucune distinction de nation, également hospitaliers et très-accueillans, sur-tout pour les étrangers. Pendant son séjour à Mont-Réal, il recueillit des renseignemens sur deux expéditions qu'à entreprises M. Keause, pour pénétrer par les terres jusqu'à l'océan Pacifique. Ce voyageur avoit échoué dans la première, mais la seconde avoit été couronnée d'un plein succès. M. Weld regrette que l'intéressant journal de cette expédition n'ait pas encore été publié. En parcourant le pays depuis Mont-Réal jusqu'à Québec, il observa que les maisons, presque toutes construites avec des troncs d'arbres, étoient néanmoins bâties avec plus de soin et de solidité que dans les Etats-Unis. Ces troncs d'arbres, au lieu d'être bruts et raboteux, comme chez les Anglo-Américains, sont parfaitement équarris, recouverts de blanc en-dehors, et doublés de planches de sapin au-dedans; mais il remarqua aussi que les habitations des Canadiens sont fort désagréables par l'air fétide et grossier qu'on y respire. Cet inconvénient résulte de leur négligence à ouvrir les fenêtres, même dans la belle saison: ils ne se justifient de celte insouciance, qu'en alléguant l'usage du pays à cet égard.

Les observations de M. Weld sur le caractère des Canadiens en général, sont conformes à celles de tous les autres voyageurs. Les gens de la basse classe du peuple, dit-il, ont toute la vivacité, la gaîté des habitans de la France: ils dansent, chantent, et paroissent s'inquiéter peu du lendemain. Ceux d'une condition plus relevée ont quelque chose de l'humeur brusque et chagrine qui caractérise les Anglo-Américains: mais la vanité est le trait le plus remarquable et le plus général de tous les Canadiens. Très-peu de ceux qui vivent à la campagne savent écrire et lire : ce sont les femmes qui possèdent le peu d'instruction qu'on remarque dans le pays: aussi ont-elles sur les hommes un

1

ascendant si marqué, que ceux-ci ne forment aucune entreprise sans les consulter. Les uns et les autres sont plongés dans la superstition, et aveuglément soumis à leurs prêtres.

Depuis la cession du Canada à l'Angleterre, celte vaste contrée est divisée en deux gouvernemens, qu'on distingue par la dénomination de Haut et Bas-Canada. Dans chacun des deux, le pouvoir est entre les mains du gouverneur, assisté du conseil exécutif nommé par le roi. Le pouvoir législatif appartient concurremment au gouverneur, à un conseil législatif, et à une chambre de représentans; mais leurs actes n'ont force de loi qu'après avoir été sanctionnés par le roi, et dans certaines circonstances, par le parlement d'Angleterre. Les formes pour la discussion et pour l'adoption des bills, sont à-peu-près les mêmes que celles qui ont lieu dans les deux chambres de ce parlement. M. Weld entre dans des détails très inté ressans sur la forme des élections et sur la composition des diverses autorités constituées. Il observe que gouverneurs des deux provinces sont indépendans l'un de l'autre dans leurs fonctions civiles, mais qu'à l'égard du militaire, le gouverneur du Bas-Canada à le commandement suprême.

a

les

Les Français, qui forment dans le Canada la majeure partie de la population, ont conservé, depuis la conquête, non-seulement leurs propriétés avec toutes les prérogatives qui y étoient attachées, mais encore toutes leurs loix et tous leurs usages. Il résulte du systême féodal qui s'est maintenu dans toute sa force, qu'au grand préjudice de l'agriculture, la plus grande partie des possessions sont précaires. L'introduction de la forme du jury dans l'instruction criminelle, immédiatement après la conquête, est un bienfait dont les Canadiens ne sentent peut-être pas tout le prix.

Sans être dominante dans le Canada, la religion catholique y est le plus universellement répandue. Les prêtres y perçoivent la dîme sur toutes les terres possédées par les

catholiques : celles des protestans n'en sont pas exemptes; mais le produit s'en verse dans une caisse pour être appliqué aux besoins de cette communion. Les naturels du Canada, que les missionnaires se flaitent d'avoir convertis, végèlent dans la plus affreuse misère: de toutes leurs tribus si nombreuses, il existe à peine douze cents individus.

Dans un pays encore tout neuf, et presque entièrement dénué de manufactures, les articles d'importation sont immenses: ils comp rennent tout ce qui concerne le vêtement et l'ameublement, une grande partie même des objets nécessaires pour la construction des maisons et des navires, enfin tout ce que le luxe de la table peut exiger. On importe du Canada des fourrures dans une quantité prodigieuse, du blé, de la farine, de la graine de lin, la potasse, du bois, des planches, du merein, du poisson sec, de l'huile, du ginseng, des drogues médicinales. Quoique le sol soit très-propre à la culture du chanvre, elle y est encore très-languissante.

de

M. Weld fait une description très-attachante des magnifiques sites qu'on découvre de la haute ville de Québec, et sur-tout du cap de Diamant, élevé de mille pieds au-dessus du fleuve de Saint-Laurent. Dans cette partie de son cours principalement, ce fleuve étale les scènes les plus imposantes. Parmi les merveilles qu'on admire dans les environs de la ville, se distinguent la cataracte de Montmorency, formée par la chute de la rivière du même nom, qui se précipite d'une hauteur de deux cent cinquante pieds ; et la cataracte de la Chaudière, moins haute de moitié, mais dont la largeur est plus considérable.

Entre le golfe du fleuve de Saint-Laurent et Québec, le terrein est fort montueux; mais en remontant ce fleuve, le pays devient parfaitement uni. Presque généralement, le sol est une couche de terre légère et noirâtre, de dix à douze pouces d'épaisseur, sur un lit profond de terre grasse. On peut juger de sa fertilité par les récoltes abondantes les Canadiens en retfrent constamment, que mal

gré l'usage communément adopté, de ne jamais laisser reposer les terres, de ne jamais les famer. Les bords du fleuve leur fourniroient presque sans frais une prodigieuse quantité de marne; et néanmoins un très-petit nombre de cultivateurs emploient cet engrais. La nature du sol du Bas-Canada convient particulièrement aux menus grains. Le tabac y prospère aussi ; et quoiqu'il soit reconnu d'une qualité supérieure à celui de la Virginie et du Maryland, on n'en cultive pas là moitié de ce qu'il faut pour la consommation du pays. Tous les végétaux légumineux et la plupart des fruits de l'Europe sont excellens au Canada. Les groseilles, les fraises, les framboises, les raisins de Corinthe même, y ont un goût délicieux. Les framboisiers y sont indigènes, et viennent spontanément dans les forêts. Aucune contrée n'est plus riche en bois de toutes les espèces; on en distingue sept de chênes et trois de noyers. Un des arbres les plus précieux, est l'érable à sucre celui qu'il donne, s'il étoit raffiné, ne le céderoit, ni pour la blancheur, ni pour le goût, au meilleur sucre des îles; mais les Canadiens, qui en font une grande consommation, ne l'emploient que dans l'état de cassonade. Du suc de l'érable, on fait encore un excellent vinaigre, supérieur au vinaigre blanc de France.

L'air du Bas-Canada est très-pur, sur-tout depuis MontRéal jusqu'à l'embouchure du fleuve : c'est dans la partie haute seulement qu'on est attaqué de fièvres intermittentes, en raison de ce que le pays est une plaine continue.

Les chaleurs de l'été sont aussi excessives au Canada que les hivers y sont rigoureux. Dans les mois de juillet 'et d'août, le thermomètre de Farenheit monte souvent à 96 degrés. L'intensité du froid y est telle, que malgré la largeur du fleuve, il est entièrement gelé à une assez grande profondeur, et que la navigation est interrompue pentlant plusieurs mois. C'est, pour les Canadiens, le temps du repos et des plaisirs. Dès que les neiges sont tombées, et qu'un froid clair et piquant a succédé aux brouillards,

« PreviousContinue »