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heurtés avec leurs ailes, tomboient à terre. Je les ai vus soulever un peu leurs ailes, ce qui prouve qu'ils s'étoient fait du mal. La même chose arrive aux abeilles, quand la pluie les surprend aux champs, à la sortie des essaims.

Dans tout ce que l'on a vu et écrit sur les maladies des abeilles, rien n'est comparable au mal qui attaqua les nôtres dans l'île de Syra, depuis 1777 jusqu'en 1780, et qui emporta presque toutes nos ruches.

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Elle se déclara par un vice dans les rayons remplis de couvain, et qui ne contenoient plus qu'une matière entièrement corrompue: au lieu de nymphes de petites abeilles, on ne voyoit que de la pourriture dans les cellules, qui cependant, étant couvertes, conservoient toujours une apparence de santé. Si on fendoit ces rayons, il en découloit une liqueur noirâtre, qui jetòït l'infection dans toute la ruche.

Cette maladie ne se manifestoit que dans les cellules qui contenoient un couvain déja avancé ou couvert. Les abeilles étoient en bon état, et travailloient avec la même activité; mais leur population dépérissoit de jour en jour. Cette maladie, cependant, n'étoit pas si générale dans une ruche, qu'il ne s'en échappât quelquefois

une petite portion: il en sortoit quelques abeilles nouyelles, mais en trop petit nombre pour suppléer aux pertes journalières. Ainsi une ruche attaquée de ce fléau dépérissoit d'ailleurs, faute de population.

Dans le principe, ne nous étant pas aperçus que cette maladie fût épidémique, nous eûmes l'imprudence de remplir de nouveaux essaims les ruches vides dont les abeilles étoient mortes; elles contractèrent toutes la même maladie, et périrent.

Nous fimes encore une nouvelle faute; nous transportâmes les dépouilles des ruches que nous avions perdues, dans les rues de la ville, pour les exposer au soleil. Nous voulions tirer des rayons toute la cire aromatique qu'ils pourroient nous fournir, pour en préparer de nouvelles les abeilles des environs sucèrent le miel, attrapèrent la maladie, la communiquèrent à leurs ruches, et toutes, sans exception, périrent en peu de temps. Cette peste ayant gagné l'île, se répandit par-tout, et la mortalité fut générale, soit en nrangeant du miel pestiféré, ou en bouchant les rayons infectés, soit en nourrissant leur couvain de miel corrompu.

Si ce malheur arrivoit souvent dans l'île, on

pourroit croire que sa source est dans quelques plantes qui produisent un aliment nuisible aux abeilles; mais, comme on n'a jamais vu de contagion pareille à celle-là, on ne peut expliquer cet événement mémorable dans l'histoire de ces insectes, qu'en disant que quelque rouille pestilentielle avoit sans doute corrompu la qualité du miel et les poussières des étamines, Les abeilles en ayant nourri leurs embrions, le couvain en aura été infecté, et le mal, devenu épidémique, se sera étendu sur toute la surface de l'île.

Nous commençâmes d'abord par retirer les rayons infectés, et nous jetâmes dans les ruches des essaims frais pour aider les anciennes abeilles; mais ce moyen ne nous réussit pas l'ancienne et la nouvelle colonies disparurent. Nous enlevâmes ensuite tous, les rayons d'une ruche infectée, comptant sur sa grande population, et sur la saison qui lui étoit favorable; tout fut inutile ces pauvres insectes commençoient, avec beaucoup d'énergie et d'activité, à former de nouveaux rayons; la reine y pondoit et les remplissoit d'œufs; mais bientôt ces rayons, au lieu du couvain, se trouvoient remplis d'une eau corrompue, et jetoient l'infection de toutes parts.

Enfin on s'aperçut que la maladie étoit épidémique ;, on ouvrit les yeux, on reconnut les grandes fautes que l'on avoit faites, et tous les cultivateurs prirent ensemble la résolution de ne point exposer à l'avenir la dépouille des ruches qui avoient péri, à être touchée par les abeilles; d'étouffer avec de la fumée toutes celles qui auroient été attaquées, en bouchant toutes les ouvertures de la ruche; de retirer tout ce qu'il

auroit de rayons avec les provisions, et de mettre ensuite le feu dans la ruche, pour brûler tout ce qui resteroit. L'incendie devoit être répété deux ou trois fois dans l'espace de huit jours; et dans l'intervalle, toutes les ouvertures des ruches devoient être bouchées, afin qu'aucune abeille des ruches voisines ne pût y entrer.

Je n'ai pu savoir le résultat de toutes ces précautions, étant parti dans ce temps-là pour venir en France; mais je suis sûr que si quelques ruches ont été conservées, ce n'est qu'aux effets de cette résolution qu'on en est redevable.

M. l'abbé Tessier, comme je l'ai observé, est le seul de tous les auteurs que j'ai lus, qui ait fait mention de cette maladie. Voici ce qu'il en dit dans l'Encyclop. méthod. au mot Abeille, pag. 32: « Quand, par quelque circonstance, le

couvain meurt dans ses alvéoles, il cause dans la ruche une infection qui rend les abeilles malades: il faut alors enlever et quelquefois changer les abeilles de ruche, ayant soin de parfumer celle où étoit le couvain mort, si l'on veut s'en servir une autre fois. On donne, dans ce cas, aux abeilles du sirop de M. Palteau. (C'est le même que celui de M. Ducarne, dont j'ai parlé au chapitre précédent.) Il faut, pour éviter le même inconvénient, retrancher les parties des gâteaux qui seroient moisies par l'hu

midité. »

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Après l'accident arrivé à Syra, et qui pourroit se renouveler ailleurs, je conseillerois le parti que les cultivateurs y prirent avec tant de fermeté mais, si l'on vouloit essayer de conserver les abeilles, on pourroit les transvaser, retirer les rayons, et mettre le feu à tout le reste. Il faut prendre toutes les précautions possibles pour empêcher les abeilles voisines de s'attacher à ces rayons infectés, et d'en sucer la moindre chose.

Si l'on s'apercevoit encore que la maladie a suivi les abeilles transvasées, et que leurs couvains se corrompent une seconde fois, alors', sans miséricorde, il faudroit tout brûler; il n'y auroit pas d'autre ressource.

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