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CHAPITRE II.

Autres réflexions sur le même sujet, où on rapporte plusieurs observations très-intéressantes pour l'économie des Abeilles.

LES observations de M. Duchet rapportées au chapitre précédent, et celles que nous exposons ici sur la tailledes ruches, regardent ceux des propriétaires qui ne font que commencer à cultiver les abeilles, qui n'ont point encore acquis le nombre de ruches qu'ils désirent, ou qui sont décidés à suivre exactement dans la culture de leurs insectes la méthode usitée dans le levant et dans d'autres parties de l'Europe, sans se donner la peine de recourir à des moyens recherchés, propres à en retirer les plus grands avantages. Quant à ceux qui possèdent déjà le nombre de ruches qu'ils désirent gouverner, et qui aspirent au plus grand avantage dont cette culture est susceptible, nous en traiterons amplement ci-après dans plusieurs chapitres.

Nos observations regardent les questions suivantes proposées par M. Duchet; 1°. dans quelle

saison doit-on récolter les ruches? 2°. si on doit récolter indistinctement toutes celles qui composent un rucher; 3°. combien de fois doit-on les récolter? 4°. quelle quantité de provision doit-on leur laisser, et quelle quantité peut-on leur enlever?

Nous répondons à la première demande, que la taille des ruches doit se faire dans l'été ou au cómmencement de l'automne, ou dans l'un et dans l'autre, si la force des ruches et l'abondance des pâturages se prêtent à plusieurs récoltes; et si on nous demande dans quels mois précisément on doit commencer et finir cette récolte, nous dirons que cela dépend, 1o. de la saison plus ou moins hâtive; en effet, si la belle saison commence de très-bonne heure, ainsi que dans les deux années précédentes, et, selon les apparences dans celle-ci; alors toutes les opérations de nos ruches seront précoces; et, dans ce cas, nous pensons qu'on pourra les récolter la première fois, dès le commencement de juillet, et la dernière fois, à la fin du mois d'août; 2°. il faut avoir égard à la force des ruches; car telle ruche qui, à la fin de l'hyver, se trouve vigoureuse, aura garni ses magasins de bonnes provisions dès le 20 juin, tandis que

telle autre sera à peine aussi avancée vers la mi-juillet.

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A la seconde question, nous répondons qu'un rucher étant composé de différentes sortes de ruches, savoir, de celles qui ont donné des essaims, ou qui n'en ont pas donné; de premiers essaims, de seconds et de troisièmes; on récoltera les ruches qui n'ont pas essaimé, et les premiers, sur-tout les hâtifs, d'après la règle établie, à la réponse de la première demande; quant à celles qui ont essaimé, ordinairement on n'y touche point: néanmoins, si on observe la règle que nous prescrirons au chapitre 3, ciaprès, sur la couduite à tenir envers ces ruches, pour qu'elles donnent des essaims tous les ans; et si les pâturages des environs sont fertiles et tardifs, elles pourront être taillées à la fin de la campagne, et rapporter aussi de bonnes récoltes, ainsi que les premiers essaims un peu tardifs. Nous avons eu, cette année (1792),qui n'a pas été une des plns favorables pour nos insectes, le 20 juin, un essaim auquel nous avons été forcés de donner une ruche de paille, n'ayant point de la place vide dans notre rucher; cet essaim pesoit sept livres, de même que la ruche qui avoit vingt-deux pouces d'hauteur, sur treize

de largeur. Malgré tout cela, l'essaim l'a remplie dans l'espace de vingt-cinq jours, à laquelle époque elle pesoit environ quarante livres ; et, à la fin de la campagne, plus de soixante-cinq. Si cet essaim se trouvoit dans une ruche de notre façon, qui se prêtât aisément à la récolte, on auroit pu très-facilement en retirer quinze livres de provisions, quoique cet essaim eût été bien tardif, et l'année mauvaise. Il faut respecter les seconds et troisièmes essaims, et les conserver pour compléter plus rapidement son rucher; nous ajouterons même ci-dessous, au sujet de ces petits essaims, pour les défendre des rigueurs de l'hyver, de nouveaux moyens que nous avons employés avec un plein succès, et qui sont autres que ceux qu'on a vus dans notre quatrième livre.

La solution de la troisième question dépend de la quantité, de la qualité et de la durée des pâturages que fournit le canton où l'on tient des ruches. Dans les pays qui abondent en sainfoins, en luzernes et en sarrasins, on peut hardiment les récolter, quand les années sont passablement bonnes, jusqu'à trois fois ; dans les environs de Versailles, on ne peut les récolter que deux fois seulement, la culture de ces sortes de

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plantes s'y faisant en très-petite quantité. M. Contardi, auteur italien, que nous avons souvent cité, nous assure que dans plusieurs cantons d'Italie, et sur-tout en Lombardie, on récolte et on transvase les ruches trois fois par an, et qu'elles s'y conservent très-bien, tant est grande l'abondance et la fertilité des pâturages de ces -heureux pays. Quant à la question sur ce qu'on doit ôter ou laisser aux abeilles de provision, la règle générale à Syra est de laisser aux ruches sept à huit pouces de rayons, c'est-à-dire autant 'de gâteaux que peut en contenir un espace de sept à huit pouces ; tout le reste étant censé superflu, on le recueille; et en effet, ces huit pouces d'espace peuvent contenir six rayons qui, dans les années ordinaires, sont assez garnis de provisions pour suffire aux abeilles pendant l'hi ver, sans qu'elles aient besoin du secours de leurs propriétaires.

Cette règle, il est vrai, est analogue au cli-mat tempéré de cette ile, à l'abondance de miel de ses plantes, et spécialement à la briéveté de la mauvaise saison; mais nous observons que cette même température, pendant l'hyver, est cause que les abeilles n'y tombent jamais ou presque jamais dans cet assoupissement salu

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