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de six pouces de large, qui contenoient près de quatre mille alvéoles. A Syra, on observe souvent de forts essaims, dans les bonnes années, en vingt-quatre heures, former plusieurs rayons ronds, parmi lesquels on en voit quelques-uns d'un pied de diamètre.

Quelqu'un pourroit ici demander si les abeilles ne se reposent jamais, sur - tout pendant les ténèbres de la nuit; Virgile le croit : Omnibus, dit-il, una quies operum, labor omnibus unus. On les voit s'occuper, se délasser ensemble.

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et

Nous sommes forcés de convenir (c'est l'observation que fait M. l'abbé de Lille, sur ce vers de Virgile) qu'il se trouve ici plusieurs méprises. Les abeilles travaillent la nuit comme le jour; se reposent le jour comme la nuit, ne travaillent jamais toutes à la fois. Dans la plus grande chaleur de l'ouvrage, on voit toujours une partie des ouvrières qui se tiennent dans l'inaction, attachées les unes aux autres par les petits crocs qu'elles ont aux pattes antérieures, et vraisemblablement dans cette position elles se délassent de leurs fatigues. Effectivement, il étoit naturel d'imaginer que des insectes qui habitent perpétuellement les ténèbres d'une ruche, et qui dans ces ténèbres élèvent

des ouvrages aussi finis que les leurs ; qui ont plus de seize mille yeux, lorsque nous n'en avons que deux; qui ont ces yeux taillés différemment que les nôtres; qui aperçoivent surement des différences, où nous ne voyons que de l'uniformité, des espaces où nous ne découvrons que des points, qui voient enfin où nous ne voyons plus; il étoit, dis-je, naturel d'imaginer que des êtres ainsi conformés, ne devoient guères connoître et attendre ce retour périodique de lumière et d'obscurité que nous avons appellé le jour et la nuit. »>

Je suis d'autant plus persuadé que les abeilles travaillent de nuit comme de jour, qu'à quelqu'heure qu'on s'approche de leur ruche, pendant la nuit, on entend un bruit continuel, occasionné par le mouvement qu'elles font en travaillant. Mais il n'est pas également certain que toutes les abeilles qu'on voit accrochées les unes aux autres, restent dans une inaction inutile à leur communauté. Nous observons tou

jours dans nos ruches, que le gros de ces pelotons se porte sur les rayons qui sont pleins de couvain, ou du côté que les abeilles travaillent à de nouveaux gâteaux. De là, nous concluons que ces pelotons servent à produire une chaleur

nécessaire aux embryons pour hâter leur avancement, et aux abeilles qui travaillent nir la cire molle et plus maniable.

pour te

On pourroit aussi penser que ces mêmes abeilles attachées les unes aux autres, ont le gosier plein de cire, qu'elles purifient avec leurs dents et leur langue, pour ensuite l'employer d'elles-mêmes, ou la faire passer à d'autres abeilles qui bâtissent de nouveaux rayons. Je dis cela, parce qu'un jour, observant, au travers d'un verre, les abeilles pendant leur travail, j'en ai vu une qui attachoit un rayon sur le verre avec de la cire qui sortoit comme un fil de sa bouche; et aussitôt que la cire finissoit,

?

je la voyois courir du côté du peloton ; comme elle me paroissoit la même, je pensois qu'elle alloit auprès des autres se pourvoir de matériaux pour avancer son travail.

Qui sait encore si ces mêmes abeilles n'ont pas le ventre rempli de molividhe, de miel et d'eau, et si elles ne se tiennent pas ainsi tranquilles pour donner à ces trois substances le degré de cuisson le plus propre à la nouriture de leurs embryons?

M. Duchet croit que toutes ces abeilles en pelotons sont pleines de miel, et qu'elles se

tiennent ainsi pour le digérer plus vîte, et que par ce moyen, le miel s'évapore en pure cire à travers leurs anneaux. Nous combattrons ailleurs cette opinion de M. Duchet.

Revenons à la construction des rayons. Les abeilles travaillent d'abord au haut de leur ruche, c'est là qu'elles attachent leurs gâteaux, dont la direction est perpendiculaire à la base de la ruche. Cette méthode paroît avoir bien des inconvéniens. Leur ville est, pour ainsi dire, suspendue en l'air. Le poids des alvéoles et des magasins de miel et de cire, sembleroit devoir faire craindre pour la solidité de l'ouvrage; mais nos architectes ont pourvu à tout. Ils attachent d'abord les rayons avec une glu extrêmement visqueuse, avec leur propolis ; ils multiplient de tous côtés ces attaches, et ne négligent rien pour assurer les fondemens; en même temps pour diminuer le poids du bâtiment, ils donnent aux cellules la moindre épaisseur qu'il est possible; et comme les inconvéniens naissent les uns des autres, et que le peu d'épaisseur de ces cellules les mettroit hors d'état de résister au mouvement perpétuel des mouches, elles ont soin de fortifier d'un rebord de cire l'entrée de leurs alvéoles, comme étant la partie qui doit

souffrir le plus, et qui sera attaquée le plus sou

vent.

Elles ne se contentent pas de travailler à un seul rayon; elles en élèvent plusieurs à-la-fois, qui sont parallèles entre eux, et qui, attachés également à la voûte de la ruche, tombent aussi perpendiculairement sur la base. Il y a toujours entre les différens rayons un espace vide propre à laisser passer deux mouches de front; ce sont les grandes rues de leur cité. De plus, elles ont ménagé différens petits trous par lesquels une mouche peut passer promptement d'un rayon à l'autre, sans prendre un long circuit. Ainsi la communication paroît fort bien établie entre les différentes parties de leur empire, et la correspondance entre les citoyens peut être fort prompte.

Dans des circonstances où elles sont pressées par l'ouvrage, et où elles doivent préparer des berceaux pour recevoir les œufs de la reine, elles ne donnent aux nouveaux alvéoles qu'une partie de la profondeur qu'ils doivent avoir; elles les laissent imparfaits, et diffèrent de les finir jusqu'à ce qu'elles aient ébauché le nombre des cellules qui sont nécessaires pour le temps pré

sent.

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