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On a remarqué, nous dit M. l'abbé de Lille, (de qui j'ai emprunté presque toute cette description sur les rayons des abeilles, dans ses Notes sur les Georg. de Virg. liv. 4 pag. 301;)on a remarqué, dis-je, que celles-ci travailloient beaucoup plus long-temps que les autres, sans se reposer, comme si le travail de polir étoit moins fatigant que celui d'édifier (1).

Pour la plus grande économie du temps, pendant qu'une partie des abeilles est occupée à la construction des rayons, une autre partie est chargée de la nouriture des ouvrières: ainsi les travaux ne sont point interrompus et l'ouvrage avance avec une vitesse incroyable. Aussi, a-t-on vu des mouches élever en vingtquatre heures des rayons d'un pied de long et

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(1) L'abeille qui s'occupe à la construction des rayons, ne travaille que tant qu'elle a de la matière dans son gosier; après quoi il est nécessaire qu'elle s'en procure de nouvelle dans les champs, ou qu'elle en reçoive dans la ruche même, des abeilles qui en reviennent. L'abeille au contraire qui polit les cellules, travaille autant qu'elle trouve de nouveaux rayons, c'est pourquoi son travail est plus long que celui de la première. Quoique les autres détails de notre auteur paroissent assez vraisemblables, cependant on ne peut rien prononcer de certain.

de six pouces de large, qui contenoient près de quatre mille alvéoles. A Syra, on observe souvent de forts essaims, dans les bonnes années, en vingt-quatre heures, former plusieurs rayons ronds, parmi lesquels on en voit quelques-uns d'un pied de diamètre.

Quelqu'un pourroit ici demander si les abeilles ne se reposent jamais, sur - tout pendant les ténèbres de la nuit; Virgile le croit : Omnibus, dit-il, una quies operum, labor omnibus unus. On les voit s'occuper, se délasser ensemble. <«< Nous sommes forcés de convenir (c'est l'observation que fait M. l'abbé de Lille, sur ce vers de Virgile) qu'il se trouve ici plusieurs méprises. Les abeilles travaillent la nuit comme le jour; se reposent le jour comme la nuit, et ne travaillent jamais toutes à la fois. Dans la plus grande chaleur de l'ouvrage, on voit toujours une partie des ouvrières qui se tiennent dans l'inaction, attachées les unes aux autres par les petits crocs qu'elles ont aux pattes antérieures, et vraisemblablement dans cette position elles se délassent de leurs fatigues. Effectivement, il étoit naturel d'imaginer que des insectes qui habitent perpétuellement les ténèbres d'une ruche, et qui dans ces ténèbres élèvent

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des ouvrages aussi finis que

les leurs; qui ont plus de seize mille yeux, lorsque nous n'en avons que deux; qui ont ces yeux taillés différemment que les nôtres; qui aperçoivent surement des différences, où nous ne voyons que de l'uniformité, des espaces où nous ne découvrons que des points, qui voient enfin où nous ne voyons plus; il étoit, dis-je, naturel d'imaginer que des êtres ainsi conformés, ne devoient guères connoître et attendre ce retour périodique de lumière et d'obscurité que nous avons appellé le jour et la nuit. »>

Je suis d'autant plus persuadé que les abeilles travaillent de nuit comme de jour, qu'à quelqu'heure qu'on s'approche de leur ruche, pendant la nuit, on entend un bruit continuel, occasionné par le mouvement qu'elles font en travaillant. Mais il n'est pas également certain que toutes les abeilles qu'on voit accrochées les unes aux autres, restent dans une inaction inutile à leur communauté. Nous observons tou

jours dans nos ruches, que le gros de ces pelotons se porte sur les rayons qui sont pleins de couvain, ou du côté que les abeilles travaillent à de nouveaux gâteaux. De là, nous concluons que ces pelotons servent à produire une chaleur

nécessaire aux embryons pour hâter leur avancement, et aux abeilles qui travaillent pour ténir la cire molle et plus maniable.

On pourroit aussi penser que ces mêmes abeilles attachées les unes aux autres, ont le gosier plein de cire, qu'elles purifient avec leurs dents et leur langue, pour ensuite l'employer d'elles mêmes, ou la faire passer à d'autres abeilles qui bâtissent de nouveaux rayons. Je dis cela, parce qu'un jour, observant, au travers d'un verre, les abeilles pendant leur travail, j'en ai vu une qui attachoit un rayon sur le verre, avec de la cire qui sortoit comme un fil de sa bouche; et aussitôt que la cire finissoit, je la voyois courir du côté du peloton; comme elle me paroissoit la même, je pensois qu'elle alloit auprès des autres se pourvoir de matériaux pour avancer son travail.

Qui sait encore si ces mêmes abeilles n'ont pas le ventre rempli de molividhe, de miel et d'eau, et si elles ne se tiennent pas ainsi tranquilles pour donner à ces trois substances le degré de cuisson le plus propre à la nouriture de leurs embryons?

M. Duchet croit que toutes ces abeilles en pelotons sont pleines de miel, et qu'elles se

Chaque rayon est composé d'un double rang d'alvéoles, qui sont adossés les uns contre les autres, et qui ont une base commune. La figure de l'alvéole est un hexagone régulier à six pans. Pappus, fameux géomètre de l'antiquité, a prouvé que cette figure avoit le double avantage de remplir un espace sans y laisser de vide, et de renfermer un plus grand espace dans le même contour (1); et il est bien étrange que les abeilles aient précisément choisi ou rencontré entre une infinité de figures, la seule qui pût remplir exactement leurs conditions aussi essentielles. La figure de la base est une pyramide formée de trois losanges parfaitement égales; les quatre angles de ces losanges sont encore si heureusement combinés, et leur ouverture est dans une telle proportion, que la cire est employée avec la plus grande économie possible,

(1) Nos Archimèdes modernes, dit un autre auteur, admirant les dispositions de la forme de ces alvéoles, ont trouvé résolu, par un mécanisme naturel, un des plus beaux et des plus difficiles problêmes de la géométrie, faire tenir dans le plus petit espace possible, le plus grand nombre de cellules, et les plus grandes possible, avec le moins de matière possible.

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