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tables, dont l'Auteur de la nature les a pour

vues. »

M. l'abbé Tessier sembleroit douter de ce que nous avons dit sur l'origine du miel, et sur la manière dont les abeilles le recueillent et le transportent dans la ruche, lorsqu'il s'exprime ainsi dans l'Encyclop. méthodique: «On a dit que les abeilles avaloient le miel qu'elles ramassoient sur les fleurs, et lui faisoient subir une élaboration dans leur estomac. Ce fait ne me paroît pas prouvé, et ne peut l'être aisément. La plus forte raison qu'on allègue, est l'existence d'une vessie qu'on trouve remplie d'une liqueur sucrée; mais cette liqueur, plus liquide et plus fluide que le miel, se rencontre dans des insectes qui ne forment pas des gâteaux pour y déposer leur miel, dans les bourdons par exemple. La vessie qui la contient fait peut-être partie des organes de la digestion des abeilles, comme le jabot dans les oiseaux, ensorte que cette liqueur peut être regardée comme l'aliment de l'abeille, qui vit de miel, et non comme un suc qu'elle ramasse pour déposer dans les alvéoles. Dans la saison du miélat, les abeilles ne périroient - elles pas toutes, si elles avaloient la quantité de miel qu'elles

qu'elles recueillent? Il est donc au moins encore douteux que le miel subisse quelque préparation dans le corps de ces insectes. »

De tout ce que nous avons dit et rapporté dans ce chapitre, on peut hardiment conclure, que rien n'est plus constaté dans l'histoire naturelle des abeilles, qu'elles avalent le miel qu'elles recueillent sur les fleurs, et qu'elles le déposent ensuite dans les alvéoles, en le dégorgeant. L'existence de leur vessie qui n'a aucune communication avec les organes de la digestion, en est la démonstration. En effet il est certain que les abeilles ramassent le miel sur les fleurs, et qu'elles le déposent dans leur ruche. Or, si ce n'étoit pas dans la vessie, dans quelle autre partie pourroit-on raisonnablement croire qu'elles le transportent?

Le jabot des oiseaux leur sert d'organe pour la digestion; cela est vrai: il en a tous les caractères; on y voit une communication marquée avec l'estomac; il reçoit ce qu'ils avalent, et il le lui transmet; mais ce jabot sert aussi pour soutenir et broyer l'aliment propre à nourrir leurs petits, auxquels ils le rendent en le dégorgeant. Qu'on suppose même que la vessie des abeilles leur serve d'organe pour la diges

Tome III.

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tion, cela n'empêchera pas qu'elles ne s'en servent aussi comme d'un vase pour le transport de leur miel, et pour préparer la nourriture de leur couvain. Si nous ignorons l'usage de la vessie des faux-bourdons, qui d'ailleurs n'est pas faite de même, ce n'est pas une raison pour que celle des abeilles n'ait pas la destination que nous lui avons reconnue.

Au surplus, il est très-probable, que ces fauxbourdons sont destinés aussi à élever, et à nourrir leur couvain de la même manière : on peut dire encore que leur vessie sert également à préparer la nourriture de leur famille.

Enfin je ne vois pas sur quel fondement on pourroit craindre la perte des abeilles, si elles prenoient une trop grande quantité de miellat : elles ne peuvent avaler que celui que leur vessie peut contenir; elles vont le dégorger dans la ruche, et elles reviennent à la charge jusqu'à la fin de la journée.

CHAPITRE VII.

SUITE du même sujet; différentes qualités et propriétés du miel.

M. LINNÉ S'exprime ainsi sur les raisons pour lesquelles le miel a été donné aux fleurs. L'uti lité dont le miel peut être aux fleurs, et les raisons pour lesquelles il leur a été accordé par l'Être suprême, ne nous sont encore que trèsimparfaitement connues. Aucun botaniste n'en a donné jusqu'à présent une raison suffisante, et n'a montré sa destinée ni son utilité dans l'é

conomie rurale des fleurs, de sorte que la solution de cette question a été abandonnée aux recherches de ceux qui viendront après nous. Il semble qu'on ne s'éloigne pas du vrai en avançant que cette humeur molle soit nécessaire pour humecter continuellement le germe dans le dans le temps de la fécondation; nous savons que la généra tion ne se fait que dans l'humidité. Cependant je ne crois pas que par cette raison on ait épuisé tous les motifs que le Créateur s'est proposés en créant cette liqueur miéleuse, puisque nous

observons que même dans les fleurs mâles, qui jamais ne produisent de fruit, cette liqueur existe (1); maissi l'on en veut savoir la raison secondaire, elle est très-palpable. Il est évident que lorsque les trochiles et autres innombrables insectes vont chercher dans les fleurs leur nourriture, en remuant et en débattant souvent leurs ailes, ils détachent et dispersent les poussières des anthères, de sorte qu'elles peuvent plus aisément pénétrer les stygmates. On voit cela clairement dans la caprification du figuier, qui, sans cette manière, ne pourroit jamais exister. >>

(1) D'après le principe de Linné, que la génération ne s'opère que dans l'humidité, on doit juger que la difficulté qu'il se fait, n'a aucune force contre la destinée qu'il donne au miel, par rapport aux fleurs; car quoique les fleurs mâles ne produisent jamais de fruit, cependant elles produisent les poussières des étamines, qui sont le germe qui féconde les fleurs femelles. Le miel est donc nécessaire aussi aux fleurs mâles pour humecter continuellement leurs poussières, lesquelles sont le germe qui féconde les fruits. Et en effet, en goûtant ces mêmes poussières ramassées par les abeilles dans leurs rayons, on sent une sorte de douceur.

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