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Un article que je regarde comme très-essentiel à la prospérité de l'agriculture d'une contrée, c'est que les baux soient accordés à de longs termes; et c'est ce que la législature devroit encourager de tout son pouvoir, Tout propriétaire qui desire de voir ses terres dans un excellent état de culture, doit adopter ce système. Les efforts que font plusieurs grands propriétaires d'Écosse pour améliorer leurs terres, n'auront de succès qu'autant qu'ils ne s'écarteront pas de ce principe important, Comment un homme peut-il se faire à lui-même illusion, au point de croire que des fermiers établiront sur leur terre une agriculture régulière et animée, si rien ne leur répond qu'on ne leur ôtera pas ces mêmes terres après qu'ils les auront fertilisées, c'est-à-dire après qu'ils y auront mis leurs richesses d'exploitation?

Qu'on porte ses regards sur les communs besoins de l'agriculture d'Écosse, on y verra de vastes friches, qu'il faudroit enclorre pour les convertir en terres labourables et en herbages; la nécessité d'y introduire la culture des turneps et du trèfle; des fossés à creuser, des haies vives à planter; des cultivateurs instruits dans les différentes bran

aisance? Il seroit bien à desirer qu'un gouvernement pût toujours proportionner les impôts aux facultés des contribuables; mais en ce cas-là même on se plaindroit encore.

ches de l'économie rurale à tirer de l'Angleterre. Où est le fermier duquel on puisse raisonnablement attendre quelques-unes de ces améliorations, tant que son propriétaire pourra le déplacer au gré de son caprice, soit même qu'il lui ait accordé un bail de sept ou neuf ans? Quand j'entends des propriétaires écossois parler des améliorations qu'on fait dans leurs terres, et ajouter ensuite qu'ils n'accordent point de baux, je devine aisément quelles sont ces améliorations, et combien elles doivent être durables. Je conviens qu'il est parmi eux des personnes qui ont des idées justes sur cet article; qu'il est déja quelques grands propriétaires qui, par le louable desir de hâter les progrès de l'agriculture de leur contrée, ont renoncé à la petite vanité de tenir leurs tenanciers dans un état de dépendance, et qui leur ont accordé des baux de vingt-un, et même de trente-deux ans; aussi s'aperçoivent-ils tous les jours que cette générosité tournera à leur très-grand avantage.

La coutume d'accorder des baux d'une durée convenable, est assez adoptée en Irlande; mais on peut dire que la manière dont elle s'y est introduite, est très-propre à détruire en grande partie les avantages qu'on étoit en droit de s'en promettre. La plupart des grands domaines s'y afferment au plus offrant et dernier enchérisseur, avec liberté de sous-louer à d'autres (44): de-là il arrive

(44) Cet usage a été suivi en France, sur-tout par les propriétaires nommés gens de main-morte. L'enchérisseur plaçoit sur la ferme un métayer avec lequel il partageoit les produits, avec des réserves très - avantageuses. Ces métayers, dans une entière dé

que le principal tenancier, qui pour l'ordinaire n'est pas lui-même fermier, jouit de la sûreté qui devroit être accordée au fermier chargé de l'exploitation des terres, lequel est assez communément dans la dépendance de celui à qui on a fait la passation du bail. Il est plausible que dans un système si peu réfléchi, les longs baux, presque généralement en usage, ne sont, pour ainsi dire, d'aucun effet.

Nos papiers publics ont tout récemment fait mention de grandes émigrations d'Écosse et d'Irlande en Amérique: ils nous informoient que dans le nombre des émigrans, étoient non-seulement les habitans pauvres des villes et des campagnes, mais qu'on comptoit encore parmi eux plusieurs fermiers. Si l'on nous dit vrai sur l'article des fermiers, on ne peut attribuer la cause de cet abandon, qu'à la funeste opiniâtreté des propriétaires, de ne vouloir donner à leurs fermiers aucune sûreté, et en quelque manière aucune existence; il ne seroit pas naturel que des fermiers qui auroient, dans un long bail, toute la sûreté possible de profiter des améliorations qu'ils pourroient tenter dans leurs fermes, songeassent jamais à déserter leur patrie. On ne peut donc trop exhorter

pendance, ne se livroient à aucune amélioration, par la crainte d'en partager les fruits, ou de voir un successeur en profiter. Cet abus a infiniment retardé les progrès de l'agriculture. Il est bien à desirer que le propriétaire, mieux éclairé sur ses véritables intérêts, comprenne qu'ils sont compromis toutes les fois qu'il afferme ses propriétés à des fermiers qui ne cultivent pas, et qui écrasent le pauvre cultivateur qui vit malheureusement sous leur dépendance.

les grands propriétaires de ces deux royaumes qui s'occupent des moyens de faire prospérer leur agriculture, à éloigner préalablement les obstacles qui en retardent les progrès. Je puis leur assurer qu'un état de fixité pour les fermiers, tourneroit bien plus au profit de leurs terres, que l'introduction du semoir et du cultivateur, et que tous les prétendus avantages de la nouvelle culture.

Il n'est pas rare en France d'accorder des baux de dix-huit années; mais il est bien difficile que ces longs baux y produisent d'aussi bons effets qu'en Angleterre ; la raison en est évidente le fardeau accablant de la taille, sous lequel gémit le cultivateur, est un cbstacle qui doit toujours le détourner de toute entreprise tendante à la perfection de la culture.

En Espagne et en Italie, la vente d'un bien en fait vaquer le bail. Quoique ce ne soit-là qu'un mal particulier, dont les fâcheuses conséquences n'opèrent point d'une manière générale, une sage administration songeroit à faire disparoître cet abus.

SECTION I I I.

Les Dixmes.

Les obstacles qu'apporte aux progrès de la culture des terres ce genre d'imposition, sont d'autant plus grands que les décimateurs sont moins portés à accepter des compositions; et que cet impôt, levé en nature, étouffe l'émulation du cultivateur. Tout gouvernement jaloux de voir fleurir

son agriculture, s'occupera sérieusement des moyens d'abolir la dixme, et de pourvoir à la subsistance du clergé par quelqu'autre voie moins nuisible au bien général (45).

SECTION IV.

Le Service personnel.

Si l'abolition des dixmes est une affaire majeure pour la Grande-Bretagne, il n'en est pas de même du service personnel: cet article ne présente point de difficultés qu'on ne puisse vaincre sans exciter le moindre trouble. En Angleterre, les fermiers furent misérablement vexés tant que le roi eut la prérogative de les obliger à lui fournir la provision de blé, de chauffage, de vivres, &c. pour sa maison. Dans ce service, ils ne recevoient aucune ou presqu'aucune solde pour l'emploi de leurs personnes et de leurs attelages; et d'ailleurs on les forçoit à abandonner les provisions qu'on leur avoit demandées, à un dixième de leur valeur, et quelquefois pour rien; trop heureux de s'en retourner harassés de fatigues, sans avoir essuyé quelques mauvais traitemens.

En France, il reste encore de terribles vestiges de cette ancienne servitude. Les auteurs françois qui, dans ces derniers temps, ont écrit sur l'éco

(45) Le fermier françois ne paye plus ni dixme, ni droit de champart, ni cens; droits très-onéreux, Ses terres sont-elles mieux cultivées? a-t-on fait des améliorations? quels sont les progrès de notre agriculture depuis l'époque de cette abolition? Je laisse aux agriculteurs-pratiques à prononcer.

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