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veut faire triompher un peuple des obstacles que la pauvreté met à sa prospérité et à sa puissance, loin de songer à faire des lois restrictives et prohibitives sur le commerce, il doit lui accorder la plus entière liberté, et en accélérer l'activité par des gratifications accordées à l'exportation des denrées du crû de son territoire.

SECTION VII.

Les Champs ouverts.

Les clôtures sont peut-être ce qu'il y a de plus recommandable pour l'avancement de l'agriculture. On doit regarder comme une maxime fondamentale de l'économie champêtre, que sans clôtures il est impossible qu'elle soit florissante. Sur des champs ouverts, le fermier le plus intelligent ne peut tirer aucun avantage de ses connoissances; il est forcé de s'assujétir au plus mauvais système de culture, pratiqué dans son district; gêné dans toutes ses opérations, il est encore contraint de régler sa marche sur celle d'un voisin lent et paresseux. Il n'est pour lui d'aucune conséquence d'être favorisé dans tous les articles que nous avons parcourus. Je veux que le fardeau des impositions soit léger, et qu'il y ait, dans la répartition des taxes, l'égalité la plus parfaite; que l'usage des longs baux soit genéralement introduit; que la dixme ne soit jamais levée en nature, et qu'on ait obtenu la composition la plus favorable; qu'il y ait exemption du service personnel; que le gouvernement ait établi les lois les plus propres à étendre le com

les genres d'encouragement qui ne portent point atteinte à la liberté de ceux qui refusent de s'y conformer.

Quoi! dira quelqu'un, seroit-il done raisonnabled'encourager en Angleterre la culture des grains, au point de réduire presqu'à rien la quantité de nos belles laines, au grand préjudice de nos manufactures?

Je réponds, que cette objection porte sur une circonstance purement imaginaire et même impossible. Qu'on suppose toutes les mesures prises. pour pousser la multiplication des blés aussi loin qu'elle pourra s'étendre; qu'on suppose que les troupeaux de moutons souffrent de la trop grande étendue de cette culture; dès-lors le prix des laines croîtra en raison de la culture des grains; dès-lors les profits qu'on peut faire sur les laines, fixeront l'attention des cultivateurs qui négligeront la culture des grains pour s'adonner à l'éducation des troupeaux. On conçoit donc que la culture des grains, quelqu'encouragée qu'elle puisse être, s'arrêtera d'elle-même, lorsque, par l'étendue de ses progrès, elle fera trouver de nouveaux avantages dans les branches qu'elle aura restreintes. C'est donc sans aucun fondement qu'on craint qu'il y ait du danger à encourager une branche d'économie plutôt qu'une autre. De pareilles craintes seront toujours illusoires, et tant que le ministère, se bornant à encourager l'émulation, n'entreprendra pas de gêner, par des ordonnances, des prohibitions, les cultivateurs sur le choix des moyens d'exploiter leurs terres, on verra toujours toutes

les productions communes se balancer et se maintenir dans une espèce de niveau.

Avant de terminer ce chapitre sur les clôtures, je crois devoir faire observer que la plupart des écrivains françois qui ont entrepris de décrire notre agriculture, ne paroissent pas avoir fait aucune attention à l'article intéressant des clôtures, et qu'ils ne donnent que des idées très-fausses de notre cultivation. Entr'autres ouvrages, je citerai les Observations diverses sur la grande et la petite Culture de M. Butré. L'auteur intitule une de ses sections: Grande Culture opulente d'Angleterre. A la lecture de cet article, un lecteur anglois est un peu surpris de voir que cette grande et riche culture n'est que la chétive et misérable culture pratiquée dans nos champs ouverts. Mais l'auteur dit qu'elle est faite avec splendeur. Une charrue exploite cent cinquante arpens; six chevaux sont employés à cette culture, deux au labour et quatre au charriage. La ferme est en trois divisions, l'une en jachère, l'autre en froment, et la troisième en grains de mars. Ce cours de culture, si recommandable aux yeux de M. Butré est celui de nos champs ouverts, où les fermiers sont dans l'impuissance d'en pratiquer un meilleur; mais ils l'abandonnent dès l'instant qu'ils sont parvenus à clorre leurs champs; au lieu de la jachère, ils sèment des turneps et du trèfle, ou quelques autres plantes propres à féconder la terre et à la disposer à une riche moisson de froment. C'est-là notre agriculture opulente et splendide; celle dont M. Butré fait mention, est une culture misérable,

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et qui sera un jour généralement proscrite en Angleterre.

SECTION VIII.

L'Esclavage.

Je viens de faire connoître les grands obstacles qui s'opposent à l'avancement de l'agriculture d'une contrée; mais il en est encore d'autres, et principalement la servitude de la glèbe, servitude par laquelle de malheureux esclaves sont attachés au sol qui les a vu naître. Cet esclavage subsiste de nos jours en Allemagne, en Danemark, en Pologne et en Russie. Dans toutes ces contrées, les paysans, considérés comme bétail, sont vendus avec la terre, et transférés d'un maître à un autre, avec le domaine sur lequel ils sont retenus par les liens de la servitude.

Dans ce système, le propriétaire fait valoir ses domaines par le moyen de ses esclaves, employés à tous les travaux champêtres sous les ordres d'un directeur, à l'exception de quelques portions de terre qu'ils abandonnent à ces paysans, pour en firer leur subsistance et celle de leur famille.

Cependant il seroit téméraire d'assurer que la servitude de la glèbe fût incompatible avec une agriculture florissante. Si les propriétaires jouissent de tous les avantages qui hâtent ses progrès, ne dépendra-t-il pas d'eux d'introduire les pratiques de culture les mieux entendues, les plus propres à féconder leurs terres, et à leur donner les plus riches et les plus abondantes récoltes? Mais on

doit s'attendre que cette excellente culture n'aura lieu que sur les terres auxquelles le propriétaire pourra donner son attention et ses soins. Quant aux domaines trop éloignés pour pouvoir être surveillés par lui-même, il sera forcé d'en confier l'exploitation à des directeurs ou commandeurs, et dès-lors, ces terres seront cultivées conformément aux usages établis dans la contrée. Quelque mauvais qu'y soit le système de culture, ce ne sera jamais qu'avec d'extrêmes difficultés qu'on parviendra à y faire des changemens avantageux.

Tel doit être le système de culture dans les contrées où l'on conserve l'esclavage de la glèbe. De quelque étendue qu'y soit un domaine, toutes les terres se trouvent dans les mains du propriétaire. Les districts éloignés sont régis par des intendans ou directeurs, sous lesquels de misérables paysans, attachés par la violence à une chétive culture sont traités avec cette barbare cruauté qu'inspire l'esprit de domination arbitraire.

Il me paroît incontestable que ces propriétaires, en renonçant à un système aussi désastreux pour eux-mêmes, que funeste à leurs vassaux, parviendroient à augmenter considérablement leurs revenus. Il seroit de leur intérêt, comme de l'équité, de rendre la liberté à leurs paysans, et de leur affermer des portions de leurs domaines, proportionnées aux avances que chacun de ces paysans pourroit faire à la terre. Il est plausible qu'on verroit résulter de cette conduite de grands avantages: le propriétaire recevroit ses revenus, sans se donner beaucoup de peines un seul intendant

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