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suffiroit pour surveiller vingt fermiers : les fraudes et les impostures disparoîtroient la population croîtroit en raison de la masse des consommations; et de cet accroissement de population naîtroient l'industrie, l'activité du commerce et la richesse de l'état. A mesure que les fermiers deviendroient plus riches, ils entretiendroient des troupeaux plus nombreux, et les terres, qui s'en trouveroient mieux fertilisées, donneroient des récoltes plus abondantes. Dès lors les propriétaires se trouveroient en droit, sans commettre la plus légère injustice, d'augmenter leurs revenus, en haussant le prix du fermage à chaque renouvellement du bail.

Il est, sans doute, des hommes assez malheureusement nés, pour tirer vanité de la tyrannie qu'ils exercent sur de misérables esclaves; ces petits despotes riront peut-être de m'entendre parler d'affranchir les paysans, et de leur donner des baux; mais je leur répondrai que cette idée a été mise en exécution sur les terres du prince Massalski, avec un très grand succès, comme seigneur me l'a assuré lui même.

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Ce n'est pas un des moindres obstacles aux progrès de l'agriculture, que l'excès auquel la chasse est portée dans de certaines contrées, par le souverain. M. Hanway en donne un exemple terrible il rapporte qu'étant en Saxe, sous le

règne du défunt électeur, roi de Pologne, les daims que ce prince fesoit conserver pour les chasser lui-même, s'étoient multipliés à un tel degré dans son électorat, que les misérables Saxons lui offrirent d'augmenter ses troupes de six mille hommes, pour obtenir la liberté de réduire à la moitié le nombre de ces animaux destructeurs ; mais on leur refusa cette demande avec un orgueilleux mépris. Un pareil fait suppose dans le prince une si étrange folie, ou une ignorance si absolue de ses devoirs, qu'on ne pourroit jamais le croire, s'il n'étoit pas de notoriété publique.

Par-tout où la chasse et les divertissemens de ce genre sont poussés au-delà de certaines bornes, ils entraînent la ruine de l'agriculture. Les lièvres sont en si grand nombre en Angleterre, que ce n'est pas sans peine que le cultivateur parvient à en garantir ses récoltes. Lorsque, par des travaux pénibles et de grandes dépenses, on a rendu un champ fertile, si l'on se fait un jeu d'en laisser dévorer les productions, dès-lors tout encouragement devient inutile; il n'est pas nécessaire de chercher à écarter les autres obstacles. Tout fermier qui n'est pas sûr de moissonner, ne prendra jamais la peine de semer. Je pourrois ici faire l'énumération de plusieurs autres causes tendantes à arrêter, ou du moins à ralentir les progrès de l'agriculture; mais il est d'autant moins nécessaire d'entrer à ce sujet dans de longues discussions, que tous ces obstacles disparoîtroient au moment même où l'on adopteroit un système raisonné de culture.

Mais les articles sur lesquels j'ai cru devoir in sister, présentent des obstacles dont les effets sont si funestes à la culture des terres, que tous les propriétaires fonciers d'une nation devroient unir tous leurs efforts pour les écarter. Tout gouvernement qui desire de voir son agriculture dans un état florissant, doit donner la plus sérieuse attention à ces deux objets.

J'observerai encore, en terminant ce chapitre, que c'est en pure perte qu'on s'efforcera d'introduire de nouvelles améliorations en agriculture; qu'on recommandera la culture des turneps, des féves, des choux, des carottes, du sainfoin, de la luzerne, du trèfle et d'autres articles d'une agriculture animée, à des fermiers auxquels on refuse de longs baux, à des cultivateurs rançonnés par des taxes arbitraires, par une taille, une capitation, &c. à des hommes de qui on exige la dixme en nature, à un peuple exposé à toutes les oppressions du service personnel, et dans une contrée où le commerce des grains, loin de jouir d'une liberté totale, est gêné, vexé par des monopoles, des taxes et des obstacles de toute espèce, et, où pour comble de bévue, l'interdiction de la sortie des grains est jointe à la permission d'importer les blés étrangers! Que peuvent les instructions les plus solides, les recommandations des pratiques les mieux fondées, sous l'empire des ordonnances réglémentaires et restrictives qui ne sont propres qu'à faire gémir l'émulation, l'industrie, qu'à fermer et tarir la source des richesses nationales?

SECTION X.

SECTION X.

Examen du système de la réunion des taxes en un impôt territorial.

Après avoir exposé les causes tendantes à la prospérité progressive de l'agriculture en Angleterre, et fait connoître la nature des obstacles qui empêchent les autres nations d'adopter les mêmes principes, je crois devoir entrer dans quelques discussions sur un nouveau système d'économie politique, qu'on s'est efforcé de présenter sous un jour imposant. Ce système, que je crois pernicieux dans ses effets, seroit d'autant plus propre à faire illusion à un gouvernement qui auroit la louable ambition de faire fleurir la culture des terres, qu'il est défendu par des hommes d'une haute réputation, et dont la pureté des intentions n'est assurément pas douteuse.

A la tête des écrivains qui ont montré le plus de zèle pour préconiser et étendre cette nouvelle doctrine, qu'ils nomment Science économique, ou Phisiocratie, on distingue M. Quesnay, le marquis de Mirabeau, M. Mercier de la Rivière, M. l'abbé Baudeau et M. Dupont (*). Ces auteurs

(*) Entre les principaux ouvrages, publiés sur cette matière, consultez particulièrement ceux-ci :

Encyclopédie, art. Fermier, grain, etc.

Les Elémens de la Philosophie rurale, par M. de Mirabeau, in-12. 1767.

L'ordre naturel et essentiel des Sociétés politiques, in -4°. et in-12 1767.

La Phisiocratie, ou Constitution naturelle du gouvernement le plus avantageux au genre humain, par M. Quesnay, 2 vol. in-8°. 1767.

Arithm. politique.

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s'accordent tous en un point, qu'ils regardent comme la base de toute bonne administration; c'est la suppression générale de toutes les taxes ou accises, qui depuis deux siècles désolent la France, que remplaceroit un impôt unique, établi immédiatement sur la terre (48). Cette idée n'est point

Lettres d'un Citoyen à un Magistrat, sur les vingtièmes et les autres impôts, par M. l'Abbé Baudeau, in-12. 1762.

Introduction à la Philosophie Economique, ou Annales des Etats policés, du même, in-8o. 1771.

Précis de l'ordre légal, par M. de Mirabeau, 1768.

L'ami des hommes, par le même, 7 vol. 1757.

Mémoire sur les effets de l'Impôt indirect, par Saint-Peravy, 1768.

Tableau Economique, avec son explication, par M. Quesnay, in-4°. 1758.

Théorie de l'Impôt, par M. de Mirabeau, in-4°. et in-12, 1762.

De l'Origine et des Progrès d'une science nouvelle, par M. Dupont, in-8o. 1767.

Journal d'Agriculture.
Ephémérides du Citoyen.

(48) La politique d'une administration sage et juste dans la manière d'asseoir l'impôt, consiste à le faire supporter à tous les individus de la société, en le proportionnant, autant qu'il est possible, aux facultés de chaque contribuable. Ce n'est pas-là une opération facile à exécuter, même en supposant au gouvernement les intentions les plus justes et les mesures les mieux combinées. Un impôt unique, suivant sa nature, pourroit n'atteindre que certaines classes de la société, ou produire des répartitions inégales entre les imposés. Si cet impôt unique, comme le voudroient les économistes, étoit assis sur la propriété fonrière, quelle que soit sa nature, n'est-il pas évident, 1°. que le non-propriétaire, tel que le marchand, l'artisan, etc. ne payeroit rien? et est-il démontré que le propriétaire, soit par vente ou location, parviendroit à se dédommager, et à faire supporter son excédant en imposition, au consommateur ou locataire ? 2o. N'est-il pas certain que, par ce mode d'impòt, toute propriété perdroit nécessairement de sa valeur? Celui qui ne posséderoit

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