Page images
PDF
EPUB

on les verroit y renoncer d'eux-mêmes pour une autre branche plus lucrative. Cela seul prouve qu'on ne peut, sans préjudicier à leurs intérêts les détourner forcément de cette espèce de culture. Il n'est pas moins incontestable que la somme d'argent qui provient de la vente de leurs vins, est beaucoup plus considérable que celle qu'ils auroient pu se promettre des grains cultivés sur le même terrain. «Le produit net d'un arpent de vignes, évalué du fort au foible, est environ le triple de celui du meilleur arpent de terre, cultivé en grains. Encore doit-on remarquer que les frais, compris dans le produit total de l'une et de l'autre culture, sont plus avantageux dans la culture des vignes que dans la culture des grains; parce que dans la culture des vignes, les frais fournissent, avec profit, beaucoup plus de salaires pour les hommes, et parce que la dépense pour les échalas et les tonneaux, est à l'avantage du débit des bois, et que les hommes occupés à la culture des vignes n'y sont pas employés dans le temps de la moisoù ils sont alors d'une grande ressource aux laboureurs pour la récolte des grains. >>

son,

Mais dans la supposition que le gouvernement crût devoir défendre toute espèce d'importation, le mal qui lui paroît si redoutable se guériroit de lui-même; car si les vignes se multiplient au point de faire diminuer la culture du grain, il en résultera ce que j'ai souvent fait observer; c'est-àdire, que le prix du grain croîtra de jour en jour, jusqu'à ce qu'il rende un profit égal à celui des vignes, et que dès lors sa culture reprendra promp

[ocr errors]

tement faveur. Lorsque le gouvernement d'une contrée desire de faire naître l'abondance de certaines denrées de son territoire, le moyen le plus sûr est d'en encourager la culture, sans défendre celle d'aucune autre production. Le territoire ne produit-il pas une assez grande quantité de grain, qu'il s'efforce d'en assurer constamment la vente au fermier à un très-bon prix ; qu'il en encourage l'exportation; qu'il décharge l'agriculteur de ces taxes onéreuses qui l'empêchent d'étendre et d'améliorer cette culture. Le sens commun ne dicte-t-il pas que les agriculteurs s'attacheront toujours par préférence à la culture de la denrée dont le débit leur sera le plus avantageux. N'est-il pas d'une suprême évidence que la quantité de cette même denrée croîtra alors en raison de cette préférence ?

J'avoue que je n'ai pas été peu surpris de lire dans quelques auteurs françois, que le gouvernement avoit publié des édits non-seulement pour restreindre la culture des vignes, mais encore pour arracher celles qui étoient plantées depuis un certain temps (54). « Ces ordonnances parurent dans

(54) Il n'y a pas de doute qu'il ne faille laisser au propriétaire la liberté de se livrer au genre de culture qu'il croit le plus analogue à son intérêt. La terre est son atelier, son domaine, où aucune loi ne doit lui prescrire la règle qu'il a à suivre, ni les travaux qu'il doit faire. Mon intention n'est pas de justifier le gouvernement sur une ordonnance aussi absurde qu'impolitique : cepen→ dant il auroit fait preuve de sagesse, si à cette époque, au lieu d'une ordonnance, il eût adressé aux propriétaires une invitation motivée, capable de les détourner de planter des vignes dans des terres très propres à la culture des grains, et qui ne pou

un temps où le commerce extérieur du blé étoit prohibé; où la communication même du commerce des grains entre les provinces du royaume étoit empêchée; où la plus grande partie des terres étoit en friches, parce que la culture du blé y étoit limitée à la consommation de l'intérieur de chaque province du royaume, et où la destruction des vignes augmentoit de plus en plus les friches. Dans ce même temps, des provinces éloignées de la capitale faisoient des représentations pour s'opposer à l'accroissement de la culture des grains, qui, faute de débit, tomboient en non-valeur; ce qui causoit la ruine des propriétaires et des fermiers, et anéantissoit l'impôt dont les terres étoient

voient produire des vins que d'une qualité très-médiocre, et même mauvaise. La cherté des vins, occasionnée par quelques années consécutives de disette, fut la cause de cette erreur grossière de la part des propriétaires de terre, dont la plupart ne tarda pas à se corriger, lorsqu'une abondance excessive de vins de mauvaise qualité, qui restoit dans leurs celliers, ou dont la vente ne pouvoit pas couvrir les frais, leur eut fait connoitre tout le vice d'une spéculation si contraire à leurs intérêts. Le tort du gouvernement fut donc d'ordonner, au lieu d'inviter et de montrer les mauvaises conséquences d'une opération aussi monstrueuse en agriculture, et aussi préjudiciable à celui qui s'y livroit par un intérêt mal combiné. Un gouvernement doit des encouragemens, même des conseils, si l'on veut; mais jamais ses lois ne doivent mettre des entraves à l'industrie, en lui prescrivant le mode qu'elle doit suivre dans son exercice. C'est encore une cherté momentanée des vins, qui dans des temps plus reculés, occasionna la coupe des bois qui couvroient des coteaux immenses et escarpés, pour y planter des vigues. Cette erreur a été irréparable, parce que les eaux de pluie ont entraîné le peu de terre dont les ruchers. étoient couverts; et quoique le vin qu'on y recueille en petite quantité, soit d'un débit facile à cause de sa bonne qualité, il ne dédommage pas le propriétaire de la perte des bois qui couvroient ces coteaux.

chargées. Tout conspiroit donc à la dégradation des deux principales cultures du royaume, et à détruire de plus en plus la valeur des biens-fonds. >> On n'imagine pas comment une nation éclairée a jamais pu adopter un système d'une absurdité si révoltante. Mais on peut remarquer assez généralement, que les projets les plus désastreux sont ceux que des ministres ignorans embrassent avec le plus de chaleur. Les nations se corrigent si peu par l'exemple, que tout récemment encore le ministère portugais vient de commettre la même faute qu'on avoit faite en France. Plus on réfléchit sur cette politique, et plus on la trouve in

sensée.

SECTION

X II I.

Du Fermage.

Est-il avantageux à l'agriculture de n'affermer. les terres qu'au plus haut prix possible? C'est-là une question dont on ne peut pas donner une solution générale ; elle est relative à la forme du gouvernement de la contrée. Dans les voyages que j'ai faits en différentes parties de ce royaume, j'ai souvent eu occasion d'observer qu'il est de la plus grande conséquence pour l'amélioration de la culture des terres, d'augmenter le prix des baux. J'ai presque toujours vu que dans les districts où les terres sont affermées au-dessous de leur valeur, la culture est imparfaite et fort négligée (55).

(55) La nécessité réveille l'industrie et excite l'émulation. Le propriétaire qui afferme ses terres à leur juste valeur, met son

[ocr errors][ocr errors]

Mais cette remarque, vraie à l'égard de l'Angleterre, pourroit fort bien n'avoir qu'une fausse application pour d'autres contrées. Par la constitution britannique, nos fermiers jouissent de tous les avantages que procurent la liberté, des lois justes, des taxes rendues légères par l'égalité de leur répartition, et beaucoup d'autres circonstances favorables aux cultivateurs. S'ils ne tirent point parti de si précieux avantages pour améliorer leur fortune, c'est que, satisfaits d'une existence bornée que leur assure le bas prix du fermage, ils sont sans ambition pour les richesses.

fermier, s'il a de la probité et qu'il soit jaloux de remplir ses engagemens, dans l'obligation de travailler pour payer son fermage. Les engagemens qu'il a à remplir, sont sans cesse présens à sa mémoire, et il redouble d'activité et de courage pour ne pas y manquer. Celui, au contraire, dont la rente est audessous de celle que rendroit une ferme en bon état de culture, néglige ses occupations, à moins qu'il ne soit excité fortement par son intérêt propre; ce qui est peu commun dans cette classe d'hommes, dont l'ambition n'a pas un grand cercle à parcourir, et qui, souvent, se borne aux simples moyens de subsister. Le Voyage en Irlande fournit des preuves à l'appui de cette assertion M Young a observé que les fermes de faveur, c'est-à-dire celles louées au-dessous de leur valeur réelle, étoient en mauvais état de culture, tandis que l'agriculture étoit florissante sur celles dont la rente étoit à son taux. Les progrès de l'agriculture sont donc attachés à l'intérêt que le fermier a de bien cultiver et de faire des améliorations; mais aussi c'est au propriétaire hon. nête à ne pas le décourager, en augmentant la rente de sa ferme en raison de ses produits, qui sont la suite des améliorations: le gouvernement ne doit pas non plus le surcharger d'impôts, à cause des profits qu'il fait. Il ne devroit jamais perdre de vue que l'agriculture est la mine d'où sortent ses richesses, qu'il faut l'encourager afin de les accroître.

« PreviousContinue »