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LES encouragemens donnés à l'agriculture dans presque tous les états de l'Europe, ont fait éclore un grand nombre d'écrits sur cette partie de l'économie politique, et les écrits ont probablement fait éclore à leur tour des encouragemens nouveaux. Ce grand concours d'opinions, de vues et de lumières ne peut qu'être utile au bonheur de l'humanité; mais j'ai remarqué dans plusieurs de ces dissertations, lors même qu'il s'agit des matières de la plus haute importance, un certain tour d'idées, quelquefois même certains conseils adressés aux souverains, et ces idées et ces conseils me paroissent fondés sur des principes fort erronés: l'on y trouve aussi l'exemple de l'Angleterre, souvent cité et presque toujours cité à faux. C'est ce qui m'a déterminé à exposer clairement le système suivi par le gouvernement Britannique, pour l'encouragement de l'agriculture, et à développer, autant qu'il est en moi, les principes de cette politique administrative qui, par le plus étrange contraste, donne aux étrangers une haute idée de notre prospérité, et, à quelques auteurs anglois, Arithm, politique.

A

celle de notre déclin inévitable et de notre ruine

prochaine.

Ce plan, s'il est bien conduit, ne peut manquer d'être utile, ne servît-il qu'à mettre en garde les gouvernemens contre la séduction des nouveaux systèmes, recommandés par des hommes à grande réputation; et il convient à un ami de l'agriculture, qui croit voir ces erreurs, de les montrer du doigt aux hommes d'état et aux législateurs. S'il se trompe, c'est le public qui sera son juge. Il est bon d'ailleurs qu'on ne loue en Angleterre que ce qui est véritablement digne d'éloges. Je souhaiterois qu'un écrivain plus habile que moi, eût entrepris de traiter un sujet de cette importance: personne ne l'ayant fait encore, je me charge de cette tâche difficile.

Il entroit dans l'exécution de ce dessein, de faire connoître quel est en Angleterre l'état présent de l'agriculture, des arts, des manufactures, du commerce, du luxe, du luxe, de la population, des richesses et des prix des denrées. Mais je n'ai pas cru devoir m'appesantir sur les détails, et je n'ai insisté sur chacun de ces articles, qu'autant qu'il le falloit pour faire voir que tels et tels principes ont eu définitivement tels et tels résultats.

Dans les voyages que j'entrepris pour étudier l'économie rurale dans ses sources, j'observai

PREFACE.

iij

constamment l'accord de ces principes avec les faits sur lesquels je fondai mes opinions. Néanmoins des auteurs, dont l'autorité est du plus grand poids par la haute considération dont ils jouissent dans le public, opposèrent à ces faits des argumens d'une métaphysique subtile; ils ont beaucoup disserté sur des sujets que les faits seuls devoient éclaircir. Il étoit donc indispensable de répondre à leurs objections; de faire voir, dans le présent traité, la liaison distincte et nécessaire de ces faits avec les principes que j'ai précédemment posés. C'est à mon avis la partie la plus essentielle de mon entreprise.

Les sujets que je traite réclament l'attention spéciale de notre législature. Il est de la plus haute importance que les hommes éclairés aient des idées justes sur la population, le prix des denrées, le luxe, la grandeur des fermes, les clôtures, etc. Si les parlemens de ce royaume adoptoient les erreurs populaires que j'ai cherché à réfuter, ce seroit à coup sûr le signal de notre décadence, puisque ces principes mêmes, que le monde entier nous envie, tourneroient alors contre nous.

Je sens bien que dans la dissertation qu'on va lire, j'ai pris le côté le moins propre à populariser mon ouvrage. Il faut aujourd'hui de grands talens pour réussir en cherchant à

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persuader à une nation qu'elle est dans un état florissant, et qu'elle doit être satisfaite. de sa situation. En soutenant cette thèse, vous n'avez rien à présenter de ce qui flatte la multitude, vous heurtez au contraire le préjugé public; l'approbation d'un petit nombre d'hommes, plus sensés que les autres, est tout ce que vous pouvez espérer; et c'est aussi la seule récompense que j'ambitionne d'obtenir.

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