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d'une nation sœur de la nôtre, sinon par la race, du moins par les tendances, les principes et les institutions. Ils ont applaudi au retour de la paix qui succède aux tempêtes de la guerre civile, tempêtes fécondes d'ailleurs, puisqu'elles ont emporté avec elles l'esclavage, le seul nuage qui vînt assombrir le ciel où flottait le pavillon étoilé.

Les discours prononcés par M. Upton,' le consul américain, et par M. Godwin, rédacteur d'un des principaux journaux de New-York, ont montré que les hommes et les faits importants de notre histoire nationale sont loin d'être étrangers à nos amis qui habitent sur l'autre rive de l'Atlantique. Les noms de Calvin et de Philibert Berthelier, auxquels MM. Upton et Godwin, et après eux notre compatriote M. Merle d'Aubigné, ont fait de fréquentes allusions, jouissent en Amérique d'une popularité presque aussi grande que chez nous. C'est un fait que nous constatons avec plaisir, parce que l'union entre deux peuples n'est jamais plus intime et plus forte que lorsqu'elle se fonde sur une connaissance exacte de leur passé et de leurs traditions nationales.

Ajoutons que cette sympathie ne s'arrête pas au XVIe siècle, mais qu'elle s'étend encore à nos illustrations contemporaines, à celles, en particulier, qui ont donné des gages de dévoûment à la cause des États-Unis.

Un autre fait également significatif a été l'approbation sans réserve par laquelle ont été accueillies toutes les allusions directes ou indirectes qui ont pu être faites à la liberté de conscience. Ces hommes libres, dégagés, au point de vue religieux, de tout lien envers l'État, n'en restent pas moins fidèles à leurs anciennes croyances. Le banquet s'est ouvert par une prière prononcée avec solennité, écoutée avec recueillement. On se sentait bien réellement en Amérique, dans ce pays où la liberté civile n'a été, en quelque sorte, que le développement et la conséquence logique de la liberté religieuse.

Nous ne faisons point ici un compte rendu; nous nous bornons à résumer les impressions que cette réunion nous a laissées. Toutefois il nous est impossible de ne pas insister plus particulièrement sur le toast porté par M. Serment, après ceux de MM. Merle d'Aubigné, Alfred Tronchin et Alexandre Lombard. M. Serment, qui parlait comme président de l'Association en faveur des noirs affranchis. a passé rapidement en revue les cent an

nées de l'histoire américaine en la comparant aux périodes de lutte et de dévouement de notre vieille histoire. Entre des personnalités comme celles de Washington ou d'Abraham Lincoln et les grandes figures historiques qui ont joué leur rôle dans la conquête de nos libertés, il existe une parenté glorieuse pour tous que l'orateur est heureux de pouvoir reconnaître.

Nous ne terminerons pas cet article sans accorder à l'admirable ordonnance de cette fête la part d'éloges qu'elle mérite, et sans féliciter le président, M. Phelps, pour l'amabilité et la parfaite courtoisie dont il a fait preuve en la dirigeant. De nombreuses dames, en fraiches toilettes, montraient par leur présence que dans une république les manifestations du patriotisme ne sont pas l'apanage exclusif du sexe fort. La table était chargée de corbeilles de fleurs, de lis surtout, au milieu desquelles flottait. le drapeau étoilé des États-Unis. Une excellente musique, qui nous a fait entendre quelques-uns de nos airs nationaux, ajoutait un charme de plus à cette réunion qui laissera à tous ceux qui ont eu la bonne fortune d'y assister les plus vifs et les plus durables souvenirs.

From La Nation Suisse. >>

Il est, dans la vie des peuples, des événements d'une importance telle que la date en reste gravée dans tous les cœurs.

Le 4 juillet est pour les Américains l'anniversaire de leur indépendance, et leur patriotisme leur fait un devoir de célébrer solennellement, partout où ils se trouvent, cette date si heureuse pour eux, et, disons-le, si heureuse pour le monde entier.

Cette année, les nombreux Américains présents à Genève ont dignement et magnifiquement célébré le 4 juillet. Ils ont fêté leur liberté dans un pays libre, au milieu d'un peuple non pas étranger à eux, mais au milieu de concitoyens; car si l'Amérique et la Suisse sont séparées par de grandes distances, elles ne

forment, par leurs institutions et leurs liens, qu'un seul et même peuple.

Cette belle fête a laissé dans le cœur de tous ceux qui ont eu le bonheur d'y assister un souvenir si profond, que je ne puis résister au désir d'en donner un compte-rendu.

Le comité qui s'était constitué pour organiser la fête avait décidé qu'un grand banquet serait donné à cette occasion, et le Grand Hôtel de la Paix avait été choisi à cet effet.

Dès le matin, l'hôtel avait été pavoisé de drapeaux, et des salves d'artillerie étaient tirées d'un bateau ancré devant le quai du Mont-Blanc.

Le comité, avec une gracieuseté toute américaine, avait envoyé des invitations à un grand nombre de Genevois, ainsi qu'à la presse.

A sept heures, tous les invités se trouvant réunis, on passa dans la salle du banquet.

Nous ne saurions, à cette occasion, trop louer les organisateurs de cette fête, ainsi que M. Kohler, propriétaire du Grand Hôtel de la Paix, pour le goût et la magnificence déployés à cette occasion.

Des trophées de drapeaux américains et suisses entrelacés ornaient la salle et flottaient au-dessus de groupes de fleurs artistement arrangés. Près de 80 convives prirent place à la table merveilleusement servie. De nombreuses dames en éblouissantes toilettes venaient à propos rompre la monotonie des habits noirs et des cravates blanches des messieurs.

Ce fait de dames et de jeunes filles venant prendre une large part à cette fête patriotique et l'embellir par leur présence, nous prouve que l'Amérique est bien véritablement un pays modèle; que non-seulement l'homme y est quelque chose, mais que la femme aussi sait prendre une grande part dans leur vie publique.

On m'a montré parmi ces dames plusieurs jeunes femmes qui, dans la dernière guerre, avaient quitté tout le confort et l'opulence d'une vie pour ainsi dire aristocratique, s'étaient faites sœurs de charité et avaient, avec une abnégation, une bonté et une sollicitude au-dessus de tout éloge, soigné, soit sur les

champs de bataille, soit dans les hôpitaux, les soldats blessés et mialades.

J'étais involontairement ému en contemplant ces ravissantes têtes blondes. Je me les représentais au chevet des mourants, les soignant de leurs jolies mains blanches, et les consolant par leurs gracieux sourires, arrachant les uns à la mort, ou rendant cette mort plus douce à ceux qu'hélas! elles ne pouvaient sauver. C'est bien là la mission de la femme libre sur cette terre, et cela nous montre ce que la liberté a fait en élevant le cœur et les sentiments des femmes américaines.

Nous ne pouvons terminer ce compte-rendu sans remercier sincèrement MM. Phelps, Godey, de Philadelphie; J.-A.-C. Gray, de New-York; J.-F. Kinney, de New-Jersey; James Claghorn, membres du comité. Ils peuvent être persuadés que cette fête restera à tout jamais gravée dans le cœur de ceux qui ont eu le bonheur d'y assister, ainsi que dans le souvenir de la population genevoise, qui s'y est, nous en sommes garant, complétement associée.

Quand j'ai dit que tout concourait à rendre cette solennité brillante, je ne me trompais pas; le Mont-Blanc lui-même, couvert une partie de la journée, s'était dans la soirée débarrassé de son manteau de nuages, et on l'apercevait des fenêtres de la salle du banquet, majestueux, présidant à cette fête, à laquelle il semblait aussi vouloir prendre part.

Impr. Ramboz et Schuchardt.

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